La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) qui permet à l’employeur et au salarié de convenir d’un commun accord des conditions de la cessation de leur relation contractuelle. Introduite en 2008, cette procédure connait un succès croissant car elle présente de nombreux avantages par rapport à un licenciement ou une démission.
Mais comment initier une rupture conventionnelle ? Quelles sont les conditions à remplir et les erreurs à éviter ? Quel est le rôle de l’employeur et du salarié dans cette procédure ? Combien coûte réellement une rupture conventionnelle pour l’employeur ?
Décryptage complet de la rupture conventionnelle à travers ce dossier réalisé par la rédaction.
Qu’est-ce que la rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat à durée indéterminée (CDI) négociée entre l’employeur et le salarié. Contrairement à la démission et au licenciement, la rupture conventionnelle résulte d’un commun accord entre les deux parties, formalisé dans une convention.
Il ne s’agit :
- Ni d’une démission : le salarié ne décide pas unilatéralement de quitter l’entreprise
- Ni d’un licenciement : l’employeur ne décide pas unilatéralement de rompre le contrat
La rupture conventionnelle obéit à une procédure encadrée par la loi qui garantit la liberté de consentement du salarié et de l’employeur.
Un succès croissant depuis 2008
Introduite en 2008, sous l’impulsion de la loi de modernisation du marché du travail, la rupture conventionnelle rencontre un franc succès. Le nombre de ruptures conventionnelles a ainsi été multiplié par 6 en 10 ans pour atteindre environ 500 000 ruptures conventionnelles par an depuis 2017.
En 2022, les ruptures conventionnelles ont représenté un peu plus d’1 rupture sur 3 des CDI dans le secteur privé. Ce mode de rupture devance désormais les licenciements.
Quels sont les avantages de la rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle présente de nombreux avantages à la fois pour le salarié et pour l’employeur.
Les avantages pour le salarié
- Obtenir une indemnité de rupture minimale : le salarié bénéficie du versement d’une indemnité de rupture conventionnelle dont le montant ne peut pas être inférieur à l’indemnité légale de licenciement
- Négocier une indemnité plus importante : rien n’empêche le salarié de négocier une indemnité plus élevée avec son employeur lors des entretiens relatifs à la rupture conventionnelle
- Partir sans motif : contrairement à une démission, le salarié n’a pas à justifier les motifs de son départ
- Éviter la période de préavis : le salarié n’a pas de préavis à effectuer une fois la convention de rupture signée
- Bénéficier de l’assurance chômage : sous conditions, le salarié pourra bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi versée par Pôle Emploi
- Rompre rapidement le contrat de travail : il suffit de 30 à 45 jours en moyenne entre le début de la procédure et la rupture effective du contrat
Les avantages pour l’employeur
- Réduire les coûts et les délais : la procédure est plus rapide et moins coûteuse qu’un licenciement
- Éviter un contentieux : la convention résulte d’un accord entre les parties, le risque prud’homal est donc limité pour l’employeur
- Bénéficier d’incitations fiscales et sociales : les indemnités versées dans le cadre d’une rupture conventionnelle font l’objet d’un régime social et fiscal avantageux
- Rouvrir des postes stratégiques : la rupture conventionnelle permet à l’employeur de renouveler des compétences sur des postes clés pour l’entreprise
Dans quelles conditions peut-on recourir à une rupture conventionnelle ?
Pour être valable, une rupture conventionnelle doit répondre à un certain nombre de conditions liées au contrat de travail et à la situation de l’entreprise et du salarié.
Conditions relatives au contrat de travail
Seuls les salariés en CDI peuvent bénéficier d’une rupture conventionnelle à l’exclusion des salariés en CDD ou en intérim.
Il n’est pas non plus possible de recourir à une rupture conventionnelle :
- Pendant la période d’essai
- Pour les contrats des assistantes maternelles ou des apprentis
- Pour les fonctionnaires et agents publics (une rupture conventionnelle spécifique existe néanmoins dans la fonction publique depuis 2020)
- Pour les salariés protégés (représentants du personnel et syndicaux) sans autorisation de l’inspection du travail
Conditions relatives à la situation de l’entreprise
La rupture conventionnelle ne peut pas être utilisée par l’employeur pour contourner les règles du licenciement collectif pour motif économique, dans les cas suivants :
- L’entreprise est en redressement ou liquidation judiciaire
- Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est en cours dans l’entreprise
- La rupture vise à contourner l’application des règles du licenciement collectif pour motif économique
En revanche, la rupture conventionnelle reste possible pour une entreprise connaissant des difficultés économiques dès lors que la procédure n’est pas détournée pour éviter de faire un PSE.
Conditions relatives au consentement du salarié
Comme son nom l’indique, la convention de rupture repose avant tout sur le consentement libre et éclairé des deux parties, notamment celui du salarié.
Certaines situations sont ainsi de nature à vicier ce consentement :
- harcèlement sexuel ou moral avéré
- violences ou pressions subies par le salarié l’incitant à accepter la rupture conventionnelle
- état de santé dégradé du salarié au moment de donner son accord
Comment se déroule concrètement la procédure de rupture conventionnelle ?
Toute rupture conventionnelle doit respecter une procédure précise, encadrée par la loi, visant à garantir le consentement libre et éclairé des deux parties.
1. La demande de rupture conventionnelle
L’employeur ou le salarié peut à tout moment formuler une demande de rupture conventionnelle sans conditions de forme particulière. Cette demande intervient généralement lors d’une discussion ou par courrier ou email.
La partie sollicitée n’a aucune obligation de donner suite à cette demande de rupture conventionnelle : elle peut donc librement la refuser.
2. La convocation à un ou plusieurs entretiens
Une fois que le principe d’une rupture conventionnelle est acté entre les deux parties, l’employeur convoque le salarié, par lettre recommandée ou remise en main propre, à un ou plusieurs entretiens au cours desquels seront discutées les conditions de la rupture.
Le salarié doit être informé de la possibilité de se faire assister par une personne de son choix au sein de l’entreprise lors de ces entretiens.
3. La discussion des conditions de la rupture
Lors du ou des entretiens, employeur et salarié vont s’accorder sur les points suivants :
- Le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (avec un minimum légal)
- La date de rupture définitive du contrat de travail
- Les éventuelles conditions supplémentaires : clause de non concurrence…
Un procès-verbal de la réunion doit consigner les positions de chacun.
4. La signature de la convention de rupture
Une fois l’accord trouvé, une convention de rupture est rédigée pour entériner les conditions de cessation du contrat de travail.
Cette convention doit être datée et signée par les deux parties pour matérialiser leur consentement.
5. Délai de rétractation de 15 jours
Suite à la signature de la convention de rupture, chaque partie dispose de 15 jours calendaires pour se rétracter et revenir sur sa décision, sans avoir à en justifier les raisons.
Ce délai court à partir du lendemain de la date de signature de la convention.
Si aucune des parties ne se rétracte, la procédure suit alors son cours.
6. Transmission du formulaire de demande d’homologation
L’employeur ou à défaut le salarié doit faire la demande d’homologation de la convention de rupture à la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi).
La Direccte dispose de 15 jours ouvrables pour se prononcer sur la demande à partir de la date de réception. Sans réponse de sa part, la convention est considérée comme homologuée.
7. Rupture effective du contrat de travail
Le contrat de travail ne peut prendre fin qu’à compter du lendemain de la date d’homologation de la convention de rupture par la Direccte.
L’employeur doit alors remettre au salarié plusieurs documents : certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte…
Combien coûte une rupture conventionnelle pour l’employeur ?
Au-delà de l’économie de temps et de la réduction des risques par rapport à un licenciement, la rupture conventionnelle a également un coût financier pour l’employeur.
1. L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
L’employeur doit verser au salarié une indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieure aux montants suivants :
- L’indemnité légale de licenciement prévue par le code du travail
- Ou l’indemnité prévue par la convention collective si elle est plus favorable
Rien n’interdit cependant de négocier au salarié une indemnité plus avantageuse lors des échanges relatifs à la rupture conventionnelle.
Dans les faits, la moitié des cadres ayant conclu une rupture conventionnelle perçoivent une indemnité supérieure à 6 000 €.
2. Le versement des autres sommes dues
Outre l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, l’employeur devra également verser au salarié :
- Les salaires et primes se rapportant à la période travaillée jusqu’à la date de fin de contrat
- L’indemnité compensatrice de congés payés
- L’indemnité due au titre d’une éventuelle clause de non concurrence
3. Les charges sociales
L’indemnité de rupture conventionnelle est soumise à un régime social favorable pour la partie n’excédant pas :
- 2 Pass annuels pour le régime général (soit 86 572 € en 2023)
- 4 Pass annuels pour le régime agriculture (soit 173 144 €)
Dans cette limite, seule une cotisation patronale déplafonnée est due au taux de 30% (tant que le salarié n’a pas atteint l’âge légal de départ à la retraite).
Au-delà de ces seuils, les cotisations sociales patronales et salariales de droit commun sont dues par l’employeur.