Les bloqueurs de publicité, également appelés “ad blockers”, sont devenus omniprésents dans notre navigation web quotidienne. Selon une étude de GlobalWebIndex, près de 25% des internautes français utiliseraient un bloqueur de publicité. Mais le blocage aveugle de toutes les publicités peut avoir des conséquences néfastes.
Dans cet article, nous allons explorer quand et comment il peut être approprié de désactiver votre bloqueur de publicité, tout en gardant un œil vigilant sur les publicités intrusives et votre vie privée.
Comprendre le fonctionnement des bloqueurs de publicité
Avant de décider si désactiver les bloqueurs est une bonne idée, il est important de comprendre comment ils fonctionnent.
Approches de blocage des publicités
Il existe deux approches principales :
- Listes de blocage : la méthode la plus courante, utilisée par exemple par Adblock Plus. Des listes maintenues à jour définissent quels serveurs publicitaires ou quelles demandes bloquer.
- Filtrage comportemental : analyse le comportement des éléments de page pour détecter ceux qui ressemblent à des publicités, utilisé par exemple par uBlock Origin.
Types de publicités bloquées
Les bloqueurs ciblent généralement :
- Les bannières traditionnelles
- Les pop-ups
- Les vidéos pré-roll YouTube
- Les publicités intégrées dans les flux (social media, actualités…)
- Le tracking publicitaire entre sites
Certains bloquent même par défaut les polices et images externes pour limiter le tracking et le fingerprinting.
Critères de blocage
La plupart des bloqueurs s’appuient sur des listes open source et collectives. Par exemple, EasyList regroupe principalement des publicités en anglais jugées intrusives selon certains critères :
- Gêne visuelle excessive (animations, clignotements…)
- Autoplay sonore
- Redirection ou téléchargement forcés
- Clique involontaire facile
- Collecte excessive de données personnelles
- Risque de malwares
Impact des bloqueurs de pub
Le blocage massif de publicités n’est pas sans conséquence. Cela prive les éditeurs d’une partie de leurs revenus, indispensables pour maintenir la qualité éditoriale face aux GAFAM. Pour les plus petits, cela menace directement leur viabilité économique. De plus, le caractère agressif de certaines publicités est souvent lié à une tentative désespérée de rentabilité.
Comment désactiver les bloqueurs de pub selon son navigateur ?
Selon l’étude précitée, Chrome, Safari et Firefox sont les navigateurs les plus utilisés sous Windows et Mac en France. Voyons comment procéder avec chacun :
Google Chrome
La désactivation complète du bloqueur s’effectue ainsi :
- Cliquer sur l’icône des 3 points verticaux tout à droite > Paramètres
- Cliquer sur l’onglet Extensions dans le menu de gauche
- Trouver son bloqueur de publicité dans la liste et cliquer sur le bouton “Supprimer”
- Confirmer la désinstallation
Les étapes sont similaires sous Mac, Linux et Android.
Autoriser pour un site spécifique
Il est également possible de faire des exceptions pour certains sites de confiance :
- Toujours dans le menu Extensions, cliquer sur “Détails” pour le bloqueur concerné
- Aller dans l’onglet “Paramètres du site”
- Entrer l’URL du site à autoriser et cliquer “Ajouter”
Mozilla Firefox
Pour une désactivation générale :
- Cliquer sur le menu “Modules complémentaires” représenté par 3 barres horizontales en haut à droite
- Chercher le bloqueur de pub dans la liste
- Cliquer sur le bouton “Supprimer” en regard
Autoriser pour un site spécifique
- Cliquer sur l’icône du bloqueur à droite de la barre URL
- Choisir “Désactiver pour ce site”
Cette autorisation est reversible de la même manière.
Safari
Safari ne supportant pas les extensions tierces, il faut passer par des applications dédiées. La plus populaire sous Mac est AdGuard.
Pour la désinstaller complètement :
- Cliquer sur le menu Safari > Préférences
- Cliquer sur l’onglet Extensions
- Sélectionner AdGuard et cliquer sur “Désinstaller”
Autoriser pour un site spécifique
AdGuard permet également de mettre en place des exceptions :
- Cliquer sur l’icône AdGuard dans la barre de menu en haut
- Aller dans l’onglet “Filtres”
- Sous “Filtres personnalisés”, cliquer sur “Ajouter un filtre”
- Saisir le nom de domaine et cliquer “Créer”
Impacts économiques et éthiques des bloqueurs de publicité
Au-delà de l’aspect technique, il est important d’aborder les questions économiques et éthiques soulevées par le blocage des publicités.
Impacts économiques
Menace sur la survie de nombreux sites
La plupart des sites sont entièrement financés par la publicité. Selon une étude menée par la société Pagefair, le blocage des publicités aurait fait perdre 22 milliards de dollars de revenus aux éditeurs en 2018, avec une croissance exponentielle. Pour un petit éditeur, ces pertes peuvent remettre directement en cause la viabilité économique du site. Même les acteurs majeurs comme la presse mainstream ou YouTube commencent à prendre des mesures pour contrer l’impact sur leurs revenus.
Pour les éditeurs, tentation du contenu putaclic et publicités agressives
Face à l’utilisation généralisée des bloqueurs, de nombreux éditeurs sont pris dans une spirale infernale. Ils sont tentés d’augmenter toujours plus le nombre ou le caractère agressif des publicités pour maximiser les revenus de celles qui échappent encore aux bloqueurs. Cela conduit en retour les internautes à renforcer le blocage.
Effets pervers : concentration et centralisation
En affaiblissant les modèles économiques alternatifs, les bloqueurs de publicité renforcent l’oligopole déjà dominant des grandes plateformes et régies publicitaires telles que Google, Facebook, Amazon etc. Ces acteurs sont les seuls capables de s’adapter et de contourner les bloqueurs via des formats toujours plus “natifs et contextuels”, donc difficilement identifiables et blocables. Ce duopole représenterait déjà environ 70% des investissements publicitaires digitaux dans le monde. Les grands gagnants de la guerre aux publicités sont donc les GAFAM, ce qui pose problème au regard de leur domination déjà écrasante.
Aspects éthiques et respect de l’utilisateur
Le droit à l’information et au choix éclairé de l’internaute
Il est légitime de vouloir se prémunir contre les publicités abusives et protéger sa vie privée. Cependant le blocage automatique et aveugle prive l’internaute de son libre arbitre. Comment juger par lui-même ce qui est tolérable ou non s’il ne voit plus les publicités ? Comment exercer pleinement le choix démocratique de soutenir ou non certains sites en accord avec ses valeurs ? Le “tout bloqué par défaut, à l’utilisateur de faire des exceptions” est-il éthiquement justifiable ?
Atteinte potentielle à la viabilité du web ouvert et indépendant
Comme expliqué précédemment, un blocage excessif peut conduire à moyen terme à l’asphyxie financière des médias et sites alternatifs, rendant le paysage de l’information encore plus uniforme et monolithique. Or, la survie d’un écosystème web ouvert, diversifié et décentralisé semble un enjeu de société primordial au regard des dérives liberticides des grandes plateformes que l’on a pu observer. Doit-on risquer à terme de ne conserver que Le Monde, Le Figaro, YouTube, Wikipedia, Google ?
Conseils aux éditeurs pour des publicités raisonnables
Pour les éditeurs, il est aussi recommandé de questionner ses pratiques publicitaires pour éviter au maximum l’activation des bloqueurs par ses visiteurs.
Respecter les critères de blocage du paragraphe
En sachant quels types de publicités sont automatiquement bloqués, il faut absolument éviter ces écueils pour garder son audience. Google a même mis en place un programme selon lequel les sites ne respectant pas les critères de bonne conduite sont privés de publicités via son réseau Adsense.
Limiter le nombre de publicités
Il ne s’agit pas de supprimer toute publicité mais de ne pas tomber dans l’excès. Une étude de 2016 préconise un maximum de 3 publicités visibles en même temps pour un site à audience française.
Privilégier des formats “responsables”
Les blocklists font aussi la chasse aux nouveaux formats intrusifs comme les interstitiels (plein écran), les superpositions, le défilement forcé ou le scroll-jacking. Il vaut mieux favoriser des emplacements classiques de type bandeau ou carré qui seront jugés plus acceptable par les bloqueurs et les utilisateurs.
Proposer un abonnement pour désactiver les publicités
De nombreux sites proposent une formule payante pour profiter du site sans aucune publicité, en échange d’un abonnement à quelques euros par mois. Le succès montre que les lecteurs sont prêts à contribuer lorsqu’on leur laisse le choix.
Conclusion
Les bloqueurs de publicité constituent donc un sujet complexe, avec de nombreuses zones grises entre les droits des utilisateurs et ceux des éditeurs. Tout est question d’équilibre et de compromis reasonable entre les parties.
D’un côté la protection de la vie privée et des méfaits de la publicité agressive justifie pleinement l’existence des bloqueurs. Mais de l’autre, le blocage systématique et total affecte grandement le financement du web ouvert et diversifié. Un dialogue serein et une démarche éthique de part et d’autre sont nécessaires.
En tout état de cause, désactiver ponctuellement son bloqueur sur des sites de confiance apparait comme une approche mesurée et constructive. En outre, les options proposées par la plupart des bloqueurs permettent de trouver facilement le meilleur compromis au cas par cas.