Beaucoup de propriétaires sont tentés de louer un bien immobilier à un membre de leur famille : enfant majeur, neveu, cousin, parents âgés… Quoi de plus naturel que de donner un coup de pouce à ses proches en leur louant un appartement à moindre coût ? Pourtant, cette pratique est très encadrée et doit répondre à certaines règles bien précises pour éviter les problèmes.
Nous avons analysé en détail tout ce qu’il faut savoir pour louer son logement à sa famille en toute légalité. Au sommaire de cet article : les formalités obligatoires, les règles pour le loyer et les aides au logement, les pièges à éviter avec le fisc, les spécificités des dispositifs fiscaux comme le Pinel… Vous saurez tout sur les arcanes de la location familiale !
1. Louer à sa famille implique de signer un bail de location
La première chose à savoir, c’est qu’il est parfaitement légal de louer à un membre de sa famille, que ce soit un descendant direct (enfant, petit-enfant), un ascendant direct (père, mère, grand parent) ou un collatéral (frère, soeur, oncle, tante, cousin, neveu, nièce…). Il n’y a pas d’interdiction de principe dans ce domaine.
Cela étant, il est indispensable de signer un bail de location dans les règles, même si vous ne comptez pas réclamer de loyer ou s’il s’agit seulement d’héberger quelqu’un temporairement. Ce contrat de location est nécessaire pour formaliser et sécuriser la relation locative entre le bailleur et le locataire.
Le bail de location, obligatoire même sans loyer
Le bail est obligatoire quel que soit le lien de parenté en jeu :
- Vous louez à votre fils : bail obligatoire
- Vous louez à votre soeur ou votre frère : bail obligatoire
- Vous logez vos parents : bail obligatoire
- Vous accueillez votre neveu quelques mois : bail obligatoire
Même si vous offrez un hébergement gratuit, il est essentiel d’établir un contrat de location écrit. Ce document permettra de formaliser les engagements de chaque partie, même s’il n’y a pas de loyer versé en contrepartie de la jouissance du logement.
Choisir le bon modèle de bail
Selon votre situation, vous devrez opter pour l’un de ces deux contrats de bail :
- Un bail de location vide (loi 1989) si vous louez un appartement ou une maison non meublé
- Un bail mobilité pour une location de 1 à 10 mois d’un logement meublé
Ces deux modèles de contrat intègrent toutes les mentions légales obligatoires sur l’identité des parties, la description du logement, le loyer et les charges, etc. Ils vous garantissent d’être en conformité avec la loi.
Informer votre assureur
Autre démarche incontournable : prévenir votre assureur que vous louez votre résidence principale ou secondaire à un membre de votre famille. Les contrats d’assurance habitation prévoient en effet parfois des restrictions ou des exclusions en cas de location, surtout si elle est gratuite ou basée uniquement sur un échange de bons procédés.
Il est donc essentiel de révéler la situation à votre assureur et de faire modifier votre contrat si besoin pour qu’il prenne bien en compte ce nouveau risque locatif.
2. Le loyer doit correspondre aux prix du marché
Fixer un loyer très inférieur au marché lorsqu’on loue à ses proches est tentant… mais risqué ! Le fisc est très attentif à ce type de pratique, qui peut être considérée comme une donation déguisée ou un abus de droit.
Pas de loyer anormalement bas
L’administration fiscale est en alerte sur les loyers trop faibles dans les locations intrafamiliales pour deux raisons :
- Cela permet au bailleur de diminuer plus fortement son impôt sur les revenus fonciers
- Cela peut être vu comme un avantage en nature accordé au locataire
Concrètement, en louant très en-dessous des prix du marché, le bailleur réduit son impôt de deux façons :
- Des revenus locatifs très faibles, donc peu taxés
- Mais des charges toujours déductibles comme dans une location classique (travaux, assurance, taxe foncière…)
Résultat : il peut effacer totalement ses revenus imposables voire diminuer l’impôt dû sur d’autres locations. L’administration fiscale sanctionne donc ces montages comme étant un abus de droit ou une donation indirecte.
Comment trouver le juste prix ?
Pour éviter les problèmes, le propriétaire doit louer au prix du marché ou tout au plus avec une décote de 10 à 15%. Ni plus, ni moins. Mais alors comment connaître la valeur locative réelle du bien ?
Il est recommandé de se baser sur le prix moyen constaté dans le voisinage pour des biens équivalents (surface, année de construction, nombre de pièces, étiquette énergie). Voici quelques outils pratiques :
- Les données des observatoires locaux des loyers
- Le site des impôts avec les valeurs locatives de référence
- Les petites annonces immobilières du quartier
- Les grilles de loyers éditées par les ADIL (Agences départementales pour l’information sur le logement)
En compilant ces données, le propriétaire peut aisément déterminer une fourchette de loyers cohérente pour sa location familiale. Inutile de prendre un risque avec des prix fantaisistes !
Louer gratuitement en hébergeant seulement
Alternative possible : ne pas faire de bail du tout et héberger gratuitement votre proche. Cela évite tout problème puisqu’il n’y a ni revenus fonciers, ni charges déclarées. Attention toutefois à bien rédiger une convention d’occupation précaire dans ce cas, pour fixer des règles d’usage du logement.
Cette solution est intéressante fiscalement mais peut poser problème en cas de succession si un seul enfant est avantagé. Les autres héritiers pourraient demander à ce que cet hébergement longue durée soit considéré comme une donation.
3. Pas d’APL possible pour les locations aux ascendants et descendants
Autre spécificité des locations intrafamiliales : l’impossibilité de percevoir les aides au logement (APL ou ALF) lorsqu’on loue à un ascendant ou descendant direct : parent, enfant, grand-parent. La réglementation est formelle sur ce point.
Ni APL, ni AL
Concrètement, si vous louez votre appartement à votre fils ou votre fille, il ne pourra pas bénéficier de l’APL. Même chose si vous mettez un de vos logements à disposition de vos parents. Quels que soient ses revenus, son âge ou sa situation, le locataire ne touchera aucune aide personnelle au logement du fait de ce lien de parenté privilégié.
Cette exclusion vise à éviter un cumul d’aides publiques accordées pour une même cellule familiale. Mais cela peut pénaliser certains jeunes pourtant dans le besoin… N’oubliez pas d’en informer votre enfant ou parent avant de signer le bail pour qu’il en ait bien conscience.
D’autres aides restent possibles
En revanche, ce blocage ne concerne pas les autres formes d’aides au logement comme la garantie Visale ou les prêts à taux zéro pour l’achat d’un bien. Ces dispositifs restent utilisables par un proche qui loue au sein de sa famille.
Cas des collatéraux
Bonne nouvelle en revanche : la location à un collatéral (oncle, tante, neveu, nièce, cousin…) ouvre bien le droit aux APL si les conditions de revenus sont réunies. Votre nièce pourra toucher ces aides si vous lui louez un studio. Idem pour votre frère ou votre grand tante !
4. Les pièges fiscaux des dispositifs Pinel, Duflot et Scellier
Les réductions d’impôt pour investissement locatif comme le Pinel, le Duflot ou le Scellier ont leurs propres règles concernant la location aux membres de son foyer fiscal.
Pinel : possible sous conditions
Avec le dispositif Pinel, il est possible de louer aux ascendants et descendants à condition de respecter certains critères :
- Loyer respectant les plafonds
- Locataire non rattaché au foyer fiscal
- Pas d’aides au logement versées
Si ces 3 conditions sont satisfaites, vous pouvez louer à vos enfants ou vos parents sans perdre l’avantage fiscal Pinel.
Duflot : location interdite
A l’inverse, la location à un membre de son foyerfiscal est radicalement exclue si vous avez opté pour la réduction d’impôt Duflot-Pinel. Impossible donc de louer à ses enfants ou ses parents dans ce cas, sous peine de perdre tous les avantages fiscaux.
Scellier : restrictions
Concernant le Scellier, cela dépend du régime choisi à l’origine :
- Scellier libre : la location intrafamiliale est autorisée
- Scellier intermédiaire : elle est interdite
- Scellier social : elle est interdite
Vérifiez bien quel était votre dispositif initial si vous envisagez de louer votre bien Scellier à un parent. Tout abus serait sanctionné par la perte de la niche fiscale.
5. Fiscalité de la location intergénérationnelle
Au-delà des questions de réductions d’impôt, la location d’un bien immobilier au sein d’une même famille soulève d’autres problématiques fiscales qu’il est préférable d’anticiper.
Quelle TVA appliquer sur le loyer ?
Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas d’exonération de TVA sur le seul motif que le locataire est un proche. Ce qui compte, c’est la nature du bail et l’usage du local.
Ainsi, en cas de :
- Location nue à usage d’habitation principale : pas de TVA
- Location meublée : TVA réduite de 10%
- Local commercial : TVA de 20%
Le lien de parenté entre propriétaire et locataire n’a aucune incidence. Seule compte la nature du bail et sa destination.
Revenus imposables ou exonérés ?
Là encore, le lien familial importe peu : vos loyers seront imposables au titre des revenus fonciers sauf si :
- Vous louez une partie de votre habitation principale (revenus alors exonérés dans la limite de 760 € par an)
- Vous louez une résidence secondaire meublée de manière saisonnière (revenus non imposables sous conditions)
Dans tous les autres cas (location vide, bail commercial, résidence secondaire en rez-de-chaussée…), les revenus locatifs resteront imposables aux revenus fonciers, même s’il s’agit d’un proche.
6. Optimiser la transmission du patrimoine
Au-delà des aspects fiscaux et règlementaires, faciliter l’accès au logement de ses proches peut aussi s’inscrire dans une logique de transmission patrimoniale. Quelques conseils pour optimiser cet objectif.
Recourir à l’usufruit locatif
L’usufruit locatif consiste à donner la nue-propriété de son bien (l’essentiel de sa valeur) à ses enfants ou petits-enfants, tout en conservant l’usufruit, c’est-à-dire le droit d’habiter le logement ou d’en percevoir les loyers sa vie durant.
Concrètement, vous pouvez continuer à louer le bien comme avant tout en faisant profiter vos successeurs d’une fiscalité allégée, les revenus étant considérés comme des revenus de l’usufruitier (vous en l’occurrence).
Recourir au viager
Autre montage possible : la vente en viager occupé. Il s’agit cette fois de céder votre bien à vos enfants tout en conservant le droit d’y demeurer. En contrepartie, ils vous versent une rente viagère tous les mois.
Là encore, vous continuez à profiter pleinement de votre résidence principale ou secondaire tout en organisant sa transmission. Vos héritiers pourront ensuite librement louer le bien à vos petits-enfants le moment venu.
Prévoir une décote de prix
Enfin, pour donner un coup de pouce financier à vos enfants, vous pouvez choisir de leur vendre votre bien immobilier avec une décote de prix de 10 à 15% par rapport aux prix du marché.