Le vol de vélos est un fléau qui freine l’essor de la pratique cycliste en France. Pour y remédier, le gouvernement a mis en place un système d’immatriculation obligatoire des cycles depuis 2021. Cette mesure vise à dissuader les voleurs et faciliter la restitution des vélos volés à leurs propriétaires légitimes. Examinons en détail ce dispositif, son fonctionnement et son efficacité potentielle dans la lutte contre le vol de bicyclettes.
Le contexte : l’ampleur du vol de vélos en France
Avant d’analyser le système d’immatriculation, il convient de prendre la mesure du problème auquel il tente de répondre. Le vol de vélos représente un phénomène massif en France :
- Environ 400 000 à 500 000 vélos sont dérobés chaque année
- Cela représente en moyenne 1 076 vélos volés par jour
- 50% des cyclistes ont déjà été victimes d’un vol de vélo
- Seuls 3% des vélos volés sont restitués à leur propriétaire
Ces chiffres alarmants s’expliquent par plusieurs facteurs :
- La facilité de revente des vélos volés sur le marché de l’occasion
- L’accessibilité des vélos souvent stationnés dans l’espace public
- La difficulté d’identifier le propriétaire légitime d’un vélo retrouvé
- Le faible risque encouru par les voleurs comparé à d’autres types de vols
Le vol constitue ainsi un frein majeur au développement de la pratique cycliste. De nombreux cyclistes victimes renoncent à racheter un vélo ou optent pour un modèle moins onéreux et moins sûr. Cette situation est d’autant plus problématique avec l’essor des vélos à assistance électrique, plus coûteux et donc plus convoités par les voleurs.
Le principe de l’immatriculation obligatoire des vélos
Pour lutter contre ce phénomène, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) de 2019 a instauré le marquage obligatoire des cycles. Ce dispositif est entré en vigueur :
- Le 1er janvier 2021 pour les vélos neufs
- Le 1er juillet 2021 pour les vélos d’occasion vendus par des professionnels
L’immatriculation consiste à attribuer à chaque vélo un identifiant unique et à enregistrer les coordonnées de son propriétaire dans une base de données nationale. Concrètement, le marquage se matérialise par l’apposition sur le cadre du vélo d’un numéro d’identification, sous forme :
- D’une étiquette autocollante résistante
- D’un gravage par micropercussion
- D’une injection de résine
Ce marquage doit être permanent et facilement visible sur un vélo en stationnement. Il répond à un cahier des charges précis défini par la loi.
Les objectifs visés par le dispositif
L’immatriculation obligatoire des vélos poursuit plusieurs objectifs complémentaires :
Dissuader les voleurs
La présence visible d’un marquage sur le cadre est censée décourager les voleurs potentiels. En effet, un vélo marqué devient plus difficile à revendre sans éveiller les soupçons. Le recel et la vente illicite de vélos volés deviennent ainsi plus risqués.
Faciliter la restitution des vélos volés
Lorsqu’un vélo marqué est retrouvé par les forces de l’ordre, celles-ci peuvent facilement identifier son propriétaire légitime en consultant la base de données nationale. Cela devrait permettre d’augmenter significativement le taux de restitution des vélos volés, actuellement très faible (3%).
Responsabiliser les acheteurs
Lors de l’achat d’un vélo d’occasion entre particuliers, l’acheteur peut vérifier si le cycle n’est pas déclaré volé en consultant le numéro d’identification. Cela permet de lutter contre le recel involontaire.
Collecter des données sur le parc cyclable
L’enregistrement systématique des vélos vendus permet de mieux connaître le parc cyclable français : nombre de vélos en circulation, types de vélos les plus répandus, etc. Ces données sont précieuses pour orienter les politiques publiques en faveur du vélo.
Le fonctionnement concret du système d’immatriculation
Examinons maintenant comment fonctionne concrètement ce dispositif d’immatriculation des vélos.
Les acteurs impliqués
Plusieurs acteurs interviennent dans le processus d’immatriculation :
- Les opérateurs d’identification agréés : ils fournissent les solutions techniques de marquage et gèrent les bases de données
- Les vendeurs de vélos : ils procèdent au marquage et à l’enregistrement initial
- L’APIC (Association de Promotion et d’Identification des Cycles) : elle gère le fichier national centralisé
- Les forces de l’ordre : elles ont accès au fichier pour identifier les vélos retrouvés
- Les propriétaires de vélos : ils peuvent mettre à jour leurs informations en ligne
Le processus d’immatriculation lors de l’achat
Voici les étapes du processus d’immatriculation lors de l’achat d’un vélo neuf ou d’occasion chez un professionnel :
- Le vendeur procède au marquage physique du vélo (étiquette, gravure, etc.)
- Il collecte les coordonnées de l’acheteur (nom, prénom, téléphone, email)
- Il enregistre ces informations dans la base de données de l’opérateur d’identification
- Ces données sont synchronisées avec le Fichier National Unique des Cycles Identifiés (FNUCI)
- L’acheteur reçoit un justificatif avec le numéro d’identification du vélo
Le propriétaire peut ensuite accéder à un espace en ligne pour :
- Compléter ses informations (adresse postale)
- Modifier ses coordonnées en cas de changement
- Signaler un vol ou une vente du vélo
Les opérateurs agréés et leurs solutions
À ce jour, six opérateurs sont agréés par l’État pour fournir des solutions d’identification des cycles :
Opérateur | Solution de marquage | Tarif indicatif |
---|---|---|
Bicycode | Gravage | 5 à 10€ |
Paravol | Étiquette | 12€ |
Recobike | Soudure chimique | 12 à 18€ |
Auvray Security | Gravage | 10 à 15€ |
MFC | Étiquette | 5 à 10€ |
Decathlon | Gravage | Gratuit |
Chaque opérateur propose sa propre solution technique, répondant au cahier des charges fixé par la loi. Le coût du marquage est généralement facturé en sus du prix du vélo, sauf chez Decathlon qui l’inclut dans le prix de vente.
Le Fichier National Unique des Cycles Identifiés (FNUCI)
Le FNUCI est la pierre angulaire du dispositif. Cette base de données centralisée rassemble les informations sur tous les vélos marqués en France. Elle est gérée par l’APIC, une association créée spécifiquement pour cette mission.
Caractéristiques du FNUCI :
- Mise à jour en temps réel via les bases de données des opérateurs
- Accessible aux forces de l’ordre pour identifier les vélos retrouvés
- Consultable par tous pour vérifier le statut d’un vélo (volé, en vente, etc.)
- Respecte le RGPD concernant la protection des données personnelles
Le FNUCI devrait s’enrichir de 3 à 4 millions de vélos par an, compte tenu des ventes annuelles de vélos neufs et d’occasion.
L’efficacité du dispositif contre les vols
Le système d’immatriculation des vélos étant relativement récent, il est encore tôt pour évaluer précisément son efficacité. Néanmoins, nous pouvons analyser ses forces et ses limites potentielles.
Les points forts du dispositif
Plusieurs éléments laissent penser que l’immatriculation pourrait avoir un impact positif sur la lutte contre le vol de vélos :
L’effet dissuasif
La présence visible d’un marquage sur le cadre peut décourager les voleurs opportunistes. Un vélo marqué est plus risqué à revendre, ce qui le rend moins attractif pour les voleurs.
L’identification facilitée
Le système permet aux forces de l’ordre d’identifier rapidement le propriétaire d’un vélo retrouvé. Cela devrait augmenter significativement le taux de restitution, actuellement très faible (3%).
La responsabilisation des acheteurs
La possibilité de vérifier si un vélo d’occasion est déclaré volé permet de lutter contre le recel involontaire. Cela complique la revente de vélos volés sur le marché de l’occasion.
L’expérience allemande
En Allemagne, où un système similaire existe depuis plusieurs années, le taux de restitution des vélos volés atteint 40%. Cela montre le potentiel d’un tel dispositif sur le long terme.
Les limites et défis du système
Malgré ses avantages, le dispositif d’immatriculation fait face à certaines limites :
La montée en puissance progressive
Le système ne concerne que les vélos vendus depuis 2021. Il faudra plusieurs années pour que la majorité du parc cyclable soit marquée, limitant son efficacité à court terme.
Le coût pour les consommateurs
Le marquage représente un coût supplémentaire (5 à 30€) qui peut freiner certains acheteurs, notamment pour les vélos d’entrée de gamme.
Les risques de contournement
Des voleurs déterminés pourraient tenter d’effacer ou de falsifier les marquages. La solidité et l’inaltérabilité des solutions proposées sont donc cruciales.
La nécessité d’une utilisation systématique
L’efficacité du système repose sur son utilisation systématique par les forces de l’ordre et les propriétaires de vélos (déclaration des vols, mise à jour des informations, etc.).
Les premiers retours d’expérience
Bien qu’il soit encore tôt pour tirer des conclusions définitives, les premiers retours d’expérience sur le dispositif d’immatriculation sont encourageants :
Les chiffres clés
- 650 000 vélos enregistrés dans le FNUCI en 2021
- Environ 10 000 vélos volés en moins en 2021 par rapport à 2020
- 75 000 vélos enregistrés dans les premiers mois de 2022
Les retours des acteurs
Les différents acteurs impliqués dans le dispositif font état de premiers retours positifs :
- Les forces de l’ordre soulignent la facilité d’utilisation du FNUCI pour identifier les vélos retrouvés
- Les associations de cyclistes notent un intérêt croissant des propriétaires pour le marquage volontaire de leurs anciens vélos
- Les vendeurs de vélos rapportent que le marquage rassure les acheteurs et peut faciliter la vente de vélos haut de gamme