Qu’est-ce qu’un pourvoi en cassation ?
Le pourvoi en cassation est une voie de recours exceptionnelle dans le système judiciaire français. Il s’agit de la dernière étape possible pour contester une décision de justice, après un jugement en première instance et un éventuel appel.
Le pourvoi en cassation permet de demander l’annulation d’une décision rendue en dernier ressort par une juridiction de l’ordre judiciaire ou administratif. Il est examiné par la plus haute juridiction française : la Cour de cassation pour l’ordre judiciaire, ou le Conseil d’État pour l’ordre administratif.
Contrairement à l’appel, le pourvoi en cassation ne permet pas de rejuger l’affaire sur le fond. La Cour de cassation ou le Conseil d’État vérifient uniquement que le droit a été correctement appliqué par les juges, sans réexaminer les faits.
Les particularités du pourvoi en cassation
Voici les principales caractéristiques qui distinguent le pourvoi en cassation des autres recours :
- Il s’agit d’une voie de recours extraordinaire, c’est-à-dire qu’elle n’est ouverte que dans certains cas précis
- Il ne constitue pas un troisième degré de juridiction : les faits ne sont pas réexaminés
- Seule la conformité de la décision attaquée aux règles de droit est contrôlée
- Il est jugé par la plus haute juridiction (Cour de cassation ou Conseil d’État)
- La représentation par un avocat spécialisé est obligatoire dans la plupart des cas
- Les délais pour se pourvoir sont généralement courts
Les objectifs du pourvoi en cassation
Le pourvoi en cassation vise plusieurs objectifs importants :
- Assurer une application uniforme du droit sur l’ensemble du territoire
- Faire censurer les erreurs de droit commises par les juridictions inférieures
- Permettre une évolution de la jurisprudence
- Garantir le respect des règles de procédure
En formant un pourvoi, on ne cherche donc pas à obtenir un nouveau jugement sur le fond de l’affaire, mais à faire annuler une décision qui serait entachée d’une erreur de droit.
Dans quels cas peut-on former un pourvoi en cassation ?
Le pourvoi en cassation n’est pas ouvert contre toutes les décisions de justice. Certaines conditions doivent être remplies pour pouvoir se pourvoir en cassation.
Les décisions susceptibles de pourvoi
Peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation :
- Les arrêts rendus en dernier ressort par les cours d’appel
- Les jugements rendus en premier et dernier ressort par certains tribunaux (tribunal judiciaire, tribunal de commerce…)
- Les décisions des juridictions de l’ordre administratif rendues en dernier ressort
La décision attaquée doit avoir été rendue en dernier ressort, c’est-à-dire qu’elle ne doit plus être susceptible d’appel.
Les motifs de pourvoi recevables
Le pourvoi en cassation ne peut être formé que pour certains motifs précis, appelés « cas d’ouverture à cassation ». Les principaux sont :
- La violation de la loi : mauvaise interprétation ou application incorrecte d’un texte
- Le défaut de base légale : motivation insuffisante de la décision
- Le manque de réponse à conclusions : omission de statuer sur un moyen
- La dénaturation : interprétation erronée d’un document clair
- L’incompétence : empiètement sur les attributions d’une autre juridiction
- La contrariété de jugements : décisions inconciliables entre elles
Le pourvoi doit être fondé sur l’un de ces motifs juridiques, et non sur une simple contestation des faits.
Les personnes habilitées à former un pourvoi
Peuvent se pourvoir en cassation :
- Les parties au procès (demandeur, défendeur)
- Le ministère public dans certains cas
- Les personnes ayant qualité et intérêt pour agir
Il faut démontrer un intérêt à agir, c’est-à-dire que la décision attaquée vous cause un préjudice.
La procédure de pourvoi en cassation
La procédure de pourvoi en cassation obéit à des règles strictes qu’il est impératif de respecter sous peine d’irrecevabilité.
Le dépôt de la déclaration de pourvoi
La première étape consiste à déposer une déclaration de pourvoi :
- En matière civile : auprès du greffe de la Cour de cassation
- En matière pénale : auprès du greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée
- En matière administrative : auprès du secrétariat du contentieux du Conseil d’État
Cette déclaration doit être faite dans les délais impartis, généralement 2 mois à compter de la notification de la décision attaquée.
Elle doit contenir :
- L’identité du demandeur au pourvoi
- Les références de la décision attaquée
- Un exposé sommaire des moyens de cassation
La constitution d’avocat
Dans la plupart des cas, la représentation par un avocat spécialisé est obligatoire :
- Un avocat aux Conseils devant la Cour de cassation en matière civile
- Un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation devant le Conseil d’État
En matière pénale, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire pour la déclaration de pourvoi, mais le devient ensuite pour le dépôt du mémoire.
Le dépôt du mémoire ampliatif
Le demandeur au pourvoi (ou son avocat) doit ensuite déposer un mémoire ampliatif qui développe les moyens de cassation invoqués. Ce mémoire doit être déposé dans un délai de :
- 4 mois en matière civile
- 10 jours en matière pénale
- 2 mois en matière administrative
Le mémoire ampliatif est un document essentiel qui expose de manière détaillée les arguments juridiques justifiant la cassation.
L’instruction du pourvoi
Une fois le pourvoi formé et le mémoire déposé, l’affaire est instruite :
- Désignation d’un conseiller rapporteur
- Examen du dossier et rédaction d’un rapport
- Communication du dossier au parquet général pour avis
- Fixation d’une date d’audience
L’audience et l’arrêt
L’affaire est ensuite examinée en audience publique :
- Rapport du conseiller rapporteur
- Plaidoiries des avocats (facultatives)
- Avis de l’avocat général
- Délibéré et prononcé de l’arrêt
La Cour de cassation ou le Conseil d’État rendent leur décision sous forme d’un arrêt, qui peut soit rejeter le pourvoi, soit casser la décision attaquée.
Les délais pour former un pourvoi en cassation
Les délais pour se pourvoir en cassation sont généralement courts et doivent être strictement respectés sous peine d’irrecevabilité.
Le délai de droit commun
Le délai de droit commun pour former un pourvoi en cassation est de 2 mois à compter de la notification ou de la signification de la décision attaquée.
Ce délai s’applique notamment :
- En matière civile devant la Cour de cassation
- En matière administrative devant le Conseil d’État
Les délais spéciaux
Dans certains cas, des délais spécifiques s’appliquent :
- 5 jours en matière pénale
- 15 jours en matière de référé administratif
- 10 jours en matière électorale
- 1 mois en matière de divorce
Il est crucial de bien vérifier le délai applicable à votre situation, car un pourvoi formé hors délai sera irrecevable.
Le point de départ du délai
Le délai court en principe à compter de :
- La notification de la décision pour les arrêts de cour d’appel
- La signification pour les jugements de première instance
- Le prononcé de la décision en matière pénale (sauf exceptions)
La computation des délais
Quelques règles importantes sur le calcul des délais :
- Le délai commence à courir le lendemain de la notification/signification
- Si le dernier jour est un samedi, dimanche ou jour férié, le délai est prorogé au premier jour ouvrable suivant
- Les délais exprimés en mois se comptent de quantième à quantième
La prorogation des délais
Dans certains cas, le délai peut être prolongé :
- +1 mois pour les personnes résidant dans un département/territoire d’outre-mer
- +2 mois pour les personnes résidant à l’étranger
- En cas de demande d’aide juridictionnelle
Il est recommandé de ne pas attendre les derniers jours du délai pour former son pourvoi, afin d’éviter tout risque de forclusion.
Les effets du pourvoi en cassation
Le fait de former un pourvoi en cassation produit plusieurs effets juridiques importants qu’il convient de bien connaître.
L’absence d’effet suspensif en principe
Contrairement à l’appel, le pourvoi en cassation n’a pas, en principe, d’effet suspensif. Cela signifie que la décision attaquée peut être exécutée malgré l’existence du pourvoi.
Cette règle s’applique notamment :
- En matière civile
- En matière administrative
Le créancier peut donc poursuivre l’exécution du jugement, sauf si le juge en décide autrement.
Les exceptions à l’absence d’effet suspensif
Dans certains cas, le pourvoi a néanmoins un effet suspensif :
- En matière pénale pour les condamnations pénales (mais pas civiles)
- En matière de divorce
- En matière d’état des personnes
- Lorsque l’exécution risquerait d’entraîner des conséquences manifestement excessives
La possibilité de demander un sursis à exécution
Même en l’absence d’effet suspensif automatique, il est possible de demander un sursis à exécution :
- Auprès du premier président de la Cour de cassation en matière civile
- Auprès du Conseil d’État en matière administrative
Le sursis n’est accordé que si l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives et si les moyens de cassation paraissent sérieux.
L’interruption de la prescription
Le pourvoi en cassation interrompt le délai de prescription de l’action. Un nouveau délai commence à courir à compter de la décision de la Cour de cassation.
L’effet dévolutif limité
Contrairement à l’appel, le pourvoi en cassation n’a qu’un effet dévolutif limité :
- La Cour de cassation ne rejuge pas l’affaire au fond
- Elle ne statue que sur les points de droit critiqués dans le pourvoi
- En cas de cassation, l’affaire est en principe renvoyée devant une autre juridiction
La Cour de cassation n’a pas le pouvoir de substituer sa propre décision à celle des juges du fond.
Les différentes décisions possibles de la Cour de cassation
À l’issue de l’examen du pourvoi, la Cour de cassation ou le Conseil d’État peuvent rendre différents types de décisions.
Le rejet du pourvoi
Si la Cour estime que les moyens invoqués ne sont pas fondés, elle rejette le pourvoi. Dans ce cas :
- La décision attaquée devient définitive et irrévocable
- Elle acquiert l’autorité de la chose jugée
- Aucun autre recours n’est possible (sauf cas exceptionnels)
Le rejet du pourvoi signifie que la Cour valide le raisonnement juridique des juges du fond.
La cassation totale
Si la Cour estime que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit, elle peut prononcer une cassation totale.