J’ai décidé aujourd’hui d’aborder un sujet qui me tient à cœur et qui malheureusement touche de nombreuses familles : l’alcoolisme d’un proche. Au fil des années, j’ai été contacté à maintes reprises par des personnes désemparées face à la consommation excessive d’alcool d’un parent, d’un conjoint, d’un enfant ou d’un ami. Leur question est toujours la même : comment puis-je l’aider ?
Dans cet article, je vais tâcher d’y répondre en partageant avec vous les connaissances et les conseils que j’ai pu accumuler sur le sujet. Nous verrons dans un premier temps pourquoi il est si difficile pour l’entourage de faire face à l’alcoolisme. Puis je vous donnerai des pistes concrètes pour aider votre proche, tout en prenant soin de vous. Enfin, nous aborderons la question cruciale de la motivation au changement.
L’alcoolisme, une maladie qui impacte tout l’entourage
Avant toute chose, il est important de bien comprendre que l’alcoolisme est une maladie. Ce n’est ni un manque de volonté, ni un vice, ni une fatalité. C’est un trouble multifactoriel, qui mêle des composantes biologiques, psychologiques et sociales. Autrement dit, de nombreux éléments entrent en compte dans le développement d’une dépendance à l’alcool : des prédispositions génétiques, des fragilités émotionnelles, un contexte de vie difficile, etc.
En tant que proche, il est fondamental d’intégrer cette notion de maladie. Cela vous permettra de porter un autre regard sur le comportement de la personne alcoolique. Plutôt que de la juger ou de lui en vouloir, vous comprendrez qu’elle est en souffrance et qu’elle n’est pas entièrement responsable de la situation. C’est la première étape pour adopter une attitude soutenante.
L’autre point essentiel à saisir, c’est que l’alcoolisme est une maladie qui touche l’ensemble de la cellule familiale. Quand un de ses membres souffre d’un problème d’alcool, c’est toute la famille qui est impactée et qui développe des mécanismes d’adaptation souvent délétères. Les proches peuvent ainsi être amenés à couvrir la personne alcoolique, à prendre en charge ses responsabilités, à subir des violences, à s’isoler socialement par honte, etc.
Avec le temps, les relations se détériorent et chacun souffre à sa façon. C’est pourquoi il ne faut pas perdre de vue que si votre but est d’aider votre proche alcoolique, cela passe aussi et avant tout par prendre soin de vous. Vous ne pourrez pas le soutenir efficacement si vous êtes vous-même en souffrance ou épuisé.
Les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber
Face à la consommation d’alcool d’un proche, il est normal de ressentir un mélange d’émotions : de l’inquiétude, de la colère, de la tristesse, de l’impuissance, de la culpabilité… Submergé par ces émotions, l’entourage met souvent en place, avec les meilleures intentions du monde, des stratégies qui se révèlent contre-productives, voire même néfastes. En voici quelques exemples :
- Le contrôle : tenter de limiter l’accès à l’alcool, fouiller, surveiller, imposer des règles, menacer… Non seulement ces comportements sont inefficaces (la personne trouve toujours un moyen de contourner le contrôle), mais ils renforcent aussi la honte et la culpabilité, ce qui maintient le cercle vicieux de la dépendance.
- La minimisation : nier la gravité du problème, trouver des excuses, garder le secret, ne pas en parler… Là encore, en agissant ainsi, vous protégez votre proche des conséquences de ses actes et vous le confortez dans son déni. Il n’aura aucune raison de changer.
- Le chantage : menacer de rompre la relation, de partir avec les enfants, de couper les vivres… La personne dépendante a besoin d’un cadre sécurisant et fiable, faire pression sur elle de cette façon ne fera qu’augmenter son mal-être et donc sa consommation.
- Se sacrifier : tout faire à la place de la personne, prendre sur soi, ne plus prendre soin de ses propres besoins… En vous oubliant, vous vous exposez à un épuisement physique et psychique qui vous rendra incapable d’être un soutien sur le long terme.
En résumé, tout ce qui vise à faire à la place de la personne dépendante est voué à l’échec. Rappelez-vous qu’en tant que proche, vous n’avez pas de prise directe sur son alcoolisme. Seule la personne concernée peut décider de changer et d’engager des démarches pour s’en sortir. Votre rôle est de l’accompagner avec bienveillance dans ce cheminement.
Quelques conseils pour aider votre proche
Alors concrètement, que pouvez-vous faire pour soutenir votre proche dépendant à l’alcool ? Voici quelques pistes :
- Nommez le problème. La première étape incontournable est de parler ouvertement de la situation, sans détour et sans jugement. Tant que le problème n’est pas posé, il n’existe pas. Choisissez un moment où votre proche est sobre et disponible. Exprimez-lui vos inquiétudes, dites-lui ce que vous observez et en quoi son comportement vous affecte, sans l’accuser. Votre objectif n’est pas de le culpabiliser mais de l’inviter à une prise de conscience.
- Informez-vous. Pour adopter la bonne attitude face à la maladie alcoolique, il est crucial de bien la comprendre. Renseignez-vous sur les mécanismes de l’addiction, ses causes, ses conséquences, ses traitements. Cela vous permettra d’ajuster vos propres comportements et d’orienter votre proche vers une prise en charge adaptée le moment venu.
- Fixez vos limites. Soyez au clair avec ce qui est acceptable ou non pour vous et exprimez-le clairement à votre proche. Par exemple : “Je ne veux plus que tu conduises si tu as bu.”, “Je ne te prêterai plus d’argent si c’est pour acheter de l’alcool.” Appliquez ces limites avec fermeté et constance. Votre proche a besoin d’un cadre sécurisant et prévisible.
- Préservez la relation. Au-delà de l’alcool, gardez à l’esprit que vous avez une histoire et des liens affectifs avec cette personne. Continuez à partager avec elle des moments positifs, à échanger sur d’autres sujets que l’alcool, à valoriser ses qualités et ses réussites. Votre proche a besoin de sentir qu’elle compte pour vous, malgré la maladie.
- Orientez vers de l’aide. Votre rôle n’est pas de soigner la dépendance, vous n’en avez ni les compétences ni la responsabilité. En revanche, vous pouvez suggérer à votre proche de rencontrer un professionnel (médecin, addictologue, psychologue…), lui transmettre des adresses utiles, lui parler des groupes de parole, l’informer sur les traitements existants… Sans imposer quoi que ce soit, montrez-lui qu’il existe des solutions et des personnes pour l’épauler.
- Prenez soin de vous. C’est un point que l’on ne répètera jamais assez : votre propre bien-être est primordial. N’hésitez pas à vous faire aider, vous aussi. Participez à des groupes de parole pour partager votre vécu avec d’autres proches, consultez un psychologue pour exprimer vos émotions, accordez-vous des moments de répit… Vous devez remplir votre propre réservoir avant de pouvoir donner aux autres.
La question cruciale de la motivation au changement
Vous l’aurez compris : le changement viendra de la personne alcoolique elle-même, pas de vous. Mais vous pouvez contribuer à faire émerger chez elle une envie de changer. Comment ? En appliquant les conseils ci-dessus avec patience et persévérance.
Il faut savoir que l’arrêt d’une conduite addictive se fait rarement du jour au lendemain. C’est un processus, avec des étapes. Au début, la personne est souvent dans le déni, elle ne voit pas (ou ne veut pas voir) les dégâts liés à sa consommation. Puis, au fil des confrontations bienveillantes à la réalité, une prise de conscience s’opère. “J’ai peut-être un problème avec l’alcool…” Viennent ensuite les premières tentatives de changement, avec des hauts et des bas. Il est important à ce stade-là d’encourager les efforts et de dédramatiser les rechutes qui font partie intégrante du parcours.
Petit à petit, si l’environnement est suffisamment soutenant et sécurisant, une véritable résolution au changement va s’installer. La personne sera davantage investie dans des démarches de soins et plus à même de solliciter de l’aide. Bien sûr, le parcours sera encore long et semé d’embûches, mais quelque chose aura fondamentalement changé dans sa relation à l’alcool.
En tant que proche, votre défi est de croire en la capacité de changement de la personne que vous aimez. De l’accompagner, à son rythme, avec le même mélange de fermeté sur le cadre et de bienveillance sur la relation, que l’on retrouve dans la posture motivationnelle. De respecter son cheminement et ses choix, même s’ils ne correspondent pas toujours à vos attentes. Et surtout, de ne pas désespérer. Avec un soutien adapté, il est tout à fait possible de se libérer d’une addiction, même sévère et ancienne. Je peux en témoigner !
J’espère que cet article vous aura apporté quelques repères pour accompagner au mieux votre proche alcoolique. N’hésitez pas à consulter les ressources que je vous ai données pour approfondir le sujet. Et surtout, rappelez-vous que vous n’êtes pas seul dans cette épreuve. Il existe de nombreuses associations et professionnels pour vous épauler.
Je vous souhaite beaucoup de courage et de sérénité sur ce chemin.