Comment venir en aide à un proche qui traverse une crise psychotique, en particulier lorsque cette personne entend des voix ? Dans cet article, je vais partager avec vous les connaissances que j’ai acquises au fil des années sur ce sujet délicat, en m’appuyant sur l’avis de professionnels et l’expérience de personnes concernées.
Comprendre la psychose et les hallucinations auditives
La psychose est un état mental qui se caractérise par une perte de contact avec la réalité. Les personnes en proie à un épisode psychotique peuvent avoir des idées délirantes (des croyances erronées) et/ou des hallucinations (voir, entendre ou ressentir des choses qui n’existent pas réellement). Parmi les hallucinations, les plus fréquentes sont les hallucinations auditives, aussi appelées « voix ».
Entendre des voix est une expérience troublante et effrayante. Les personnes concernées ne savent plus démêler le vrai du faux. Les voix peuvent sembler très réelles, faire des commentaires sur leurs pensées et leurs actes, donner des ordres, proférer des insultes ou des menaces. Face à cela, il est normal de se sentir confus, anxieux, en colère ou abattu.
Il est important de comprendre que les hallucinations sont des symptômes d’un trouble mental, au même titre que la fièvre est un symptôme d’une infection. Elles ne sont pas un signe de folie ou de possession. Avec un traitement et un accompagnement appropriés, il est tout à fait possible de mener une vie épanouie malgré les voix.
Reconnaître les signes avant-coureurs de la psychose
Pour pouvoir aider efficacement un proche qui entend des voix, il faut d’abord être capable de repérer les signes annonciateurs d’un épisode psychotique. Ceux-ci apparaissent généralement de façon progressive et peuvent inclure :
- Un repli sur soi, un éloignement de la famille et des amis
- Une perte d’intérêt pour les activités qui procuraient du plaisir auparavant
- Des difficultés à se concentrer, une confusion dans les pensées
- Un discours décousu, des propos incohérents
- Un sommeil perturbé, de l’agitation, de l’anxiété
- Une méfiance inhabituelle, l’impression d’être espionné ou menacé
- Des perceptions sensorielles étranges (voir, entendre ou sentir des choses anormales)
Pris isolément, chacun de ces signes n’est pas forcément inquiétant. Mais lorsque plusieurs d’entre eux se manifestent simultanément chez une même personne, cela doit alerter sur un potentiel épisode psychotique en développement. Il est alors crucial de ne pas les ignorer en se disant que « ça va passer ».
Attention cependant à ne pas confondre les symptômes de psychose avec d’autres problèmes comme l’abus de drogues ou une dépression. En cas de doute, il est toujours préférable de consulter un professionnel de santé.
Comment aborder une personne qui entend des voix ?
Face à un proche présentant des symptômes psychotiques, notre premier réflexe est souvent de vouloir le raisonner, de tenter de lui faire comprendre que ses perceptions sont erronées. Malheureusement, cela ne fait généralement qu’accroître son sentiment d’incompréhension et sa méfiance. Voici donc quelques conseils pour établir le dialogue :
- Choisissez un moment et un lieu propices, où vous pourrez discuter au calme sans être interrompus. Évitez les endroits publics bruyants et sur-stimulants.
- Exprimez vos inquiétudes de manière factuelle et bienveillante, sans jugement. Par exemple : « J’ai remarqué que tu semblais préoccupé ces derniers temps et que tu parlais souvent seul. Je m’inquiète pour toi et je voudrais comprendre ce qui t’arrive pour voir comment je peux t’aider.«
- Montrez que vous êtes à l’écoute et laissez la personne s’exprimer à son rythme, sans la brusquer. Respectez ses silences et n’insistez pas si elle ne souhaite pas parler.
- Rassurez la personne sur le fait que vous êtes là pour la soutenir, sans minimiser son vécu. « Ce que tu traverses a l’air très difficile mais je suis avec toi, tu n’es pas seul(e).«
- Posez des questions ouvertes pour mieux comprendre son ressenti. « Qu’est-ce qui t’effraie le plus en ce moment ? Comment puis-je t’aider à te sentir plus en sécurité ?«
- Soyez honnête sur vos propres limites et ne faites pas de promesses que vous ne pourrez pas tenir. La confiance est essentielle.
Si malgré vos efforts la personne refuse le dialogue, ne vous découragez pas. Réitérez régulièrement votre disponibilité et votre soutien. Et surtout, ne restez pas seul(e) face à cette situation. N’hésitez pas à en parler à l’entourage et à des professionnels.
Que faire face aux idées délirantes et aux hallucinations ?
C’est sans doute l’aspect le plus déroutant lorsqu’on est confronté à un proche en pleine crise psychotique : comment réagir face à son discours délirant et aux voix qu’il entend ? Là encore, certaines attitudes sont à privilégier :
- Ne niez pas la réalité de ce que vit la personne, même si cela vous paraît absurde. Pour elle, les voix et les pensées imposées sont bien réelles. Les remettre en question ne fera que renforcer son sentiment d’être incomprise.
- Ne rentrez pas non plus dans son délire en acquiesçant à tout ce qu’elle dit. Votre rôle n’est pas de confirmer ses perceptions erronées mais de l’aider progressivement à faire la part des choses entre ses pensées et la réalité.
- Restez calme et rassurant, même face à des propos incohérents ou choquants. Votre attitude posée et bienveillante sera un repère stabilisant pour la personne.
- Si la personne vous confie le contenu de ses hallucinations, accueillez son récit sans manifester d’effroi ni de jugement. Demandez-lui comment elle se sent par rapport à cela. Votre écoute attentive l’aidera à mettre des mots sur son vécu et à se sentir moins seule.
- Proposez des activités apaisantes pour détourner son attention des voix : écouter de la musique, dessiner, se balader dans la nature… Chaque personne a ses propres leviers de bien-être.
- En cas d’angoisse massive ou de voix impérieuses, pratiquez avec elle des exercices simples de respiration et d’ancrage dans le moment présent (se concentrer sur les sensations, nommer les objets autour de soi…)
Gardez à l’esprit que votre proche n’est pas sa maladie. Derrière les symptômes, c’est toujours la même personne, avec ses qualités et sa sensibilité. Votre présence chaleureuse et votre considération seront ses meilleurs alliés pour traverser cette phase difficile.
Encourager et accompagner vers les soins
Aussi précieux soit-il, le soutien des proches ne peut pas remplacer une prise en charge médicale adaptée. Un des aspects les plus délicats est d’amener la personne à consulter, alors même qu’elle n’a pas conscience de sa maladie. Voici quelques pistes pour y parvenir en douceur :
- Commencez par demander à la personne comment elle explique ce qui lui arrive et ce qui pourrait l’aider à aller mieux selon elle. Partez de ses réponses pour introduire peu à peu l’idée d’un accompagnement professionnel.
- Renseignez-vous au préalable sur les structures de soin existantes : médecin traitant, Centre Médico-Psychologique (CMP), unité psychiatrique… Mieux vous saurez vers qui vous tourner, plus vous serez convaincant.
- Présentez la démarche comme un moyen de soulager sa souffrance et d’améliorer son quotidien, et non comme la marque d’un échec ou d’une faiblesse. « Je vois bien que tu ne vas pas bien en ce moment. Et si on en parlait à un médecin pour voir ce qu’il en pense ? Il pourra peut-être te proposer des solutions pour t’aider à retrouver ta vie d’avant.«
- Proposez-vous de l’accompagner aux rendez-vous médicaux si cela peut la rassurer. Votre soutien concret sera un motivateur précieux.
- Si malgré vos efforts la personne oppose un refus catégorique, ne vous braquez pas. Rappelez-lui que la proposition reste valable quand elle se sentira prête. Continuez à prendre régulièrement de ses nouvelles.
Il faut parfois du temps et de la persévérance pour qu’une personne accepte de se soigner. Ne vous découragez pas face aux résistances, elles font partie du processus. L’essentiel est que votre proche sache qu’elle peut compter sur vous à chaque étape du parcours.
Que faire en cas de crise aiguë ?
Parfois, les symptômes psychotiques prennent une telle intensité qu’ils mettent en danger la personne ou son entourage. Les idées délirantes peuvent pousser à des actes insensés, tandis que l’angoisse et la paranoïa générées par les voix peuvent conduire à des comportements auto ou hétéro-agressifs. C’est ce qu’on appelle « la crise« , un épisode aigu qui nécessite une intervention rapide.
Face à une telle situation :
- Évaluez d’abord le danger immédiat. Y a-t-il un risque vital engagé ? Des signes d’agressivité physique, d’automutilation ? Si oui, appelez le 15 ou le 112. Vous pouvez aussi contacter le CMP dont dépend la personne si vous le connaissez.
- Assurez au mieux votre sécurité et celle des autres personnes présentes. Éloignez les objets dangereux, faites sortir les enfants. Ne vous mettez pas en danger inutilement.
- Restez calme, même si votre proche est très agité. Parlez-lui doucement, avec des phrases simples. Évitez les gestes brusques et les cris, cela ne ferait qu’accroître son sentiment de menace.
- Suivez les directives du plan de crise s’il en existe un (numéros à contacter, conduites à tenir…)
- Faites appel à un proche en qui la personne a confiance pour vous épauler. Ne restez pas seul(e) dans ces moments difficiles.
- Une fois l’épisode passé, favorisez une atmosphère sereine et rassurante. Votre proche aura besoin de temps pour se remettre de ce moment éprouvant.
Les situations de crise sont toujours angoissantes et déstabilisantes, mais elles font malheureusement partie de la maladie. En vous préparant au mieux et en sachant vers qui vous tourner, vous pourrez les traverser plus sereinement.
Prendre soin de soi pour mieux aider l’autre
Accompagner au quotidien un proche qui entend des voix est une épreuve difficile, tant physiquement que psychologiquement. Entre l’inquiétude pour l’autre, le poids des responsabilités et le regard de l’entourage, il est facile de s’oublier soi-même. Pourtant, pour être pleinement disponible et aidant sur le long terme, il est essentiel de prendre soin de vous.
Voici quelques conseils en ce sens :
- Renseignez-vous le plus possible sur la maladie, ses manifestations et ses traitements. Mieux comprendre ce que vit votre proche vous aidera à garder le recul nécessaire.
- Parlez de ce que vous traversez à des personnes de confiance. Ne portez pas seul(e) le poids de cette situation. Les associations de familles comme l’UNAFAM proposent des groupes de parole très aidants.
- Fixez-vous des limites réalistes et tenez-vous y. Vous n’avez pas à être disponible 24h/24 et ne pouvez pas vous substituer aux soignants. Déléguer certaines tâches ne fait pas de vous un mauvais proche.
- Accordez-vous des temps de répit réguliers pour souffler et vous ressourcer : un dîner entre amis, un cours de yoga, un week-end à la campagne… Ce n’est pas un luxe mais une nécessité pour tenir sur la durée.
- N’hésitez pas à consulter pour vous-même si vous sentez que votre moral vacille. Un suivi psychologique peut être d’un grand soutien dans cette épreuve.
Vous aidez déjà énormément votre proche par votre simple présence à ses côtés.