L’accès à la justice est un droit fondamental pour tous les citoyens, mais les frais de procédure et d’avocat peuvent parfois représenter un obstacle insurmontable, notamment pour les personnes aux revenus modestes. C’est pourquoi l’État a mis en place un système d’aide juridictionnelle, qui permet aux justiciables les plus démunis de bénéficier d’une prise en charge totale ou partielle de leurs frais de justice. Mais comment fonctionne exactement ce dispositif, et quelles sont les conditions pour en bénéficier ? Nous vous proposons dans cet article un tour d’horizon complet de l’aide juridictionnelle en France.
Qu’est-ce que l’aide juridictionnelle ?
L’aide juridictionnelle est un mécanisme qui permet à l’État de prendre en charge tout ou partie des frais liés à une procédure judiciaire (honoraires d’avocat, frais d’expertise, d’enquête sociale, etc.) pour les personnes dont les ressources financières sont insuffisantes. Il ne s’agit pas d’une somme d’argent versée directement au justiciable, mais d’une prise en charge des frais qui seront payés par l’État aux différents intervenants (avocat, huissier, expert, etc.).
Ce dispositif a été créé par la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, avec pour objectif de garantir un égal accès à la justice pour tous, conformément au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Il est ouvert aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales à but non lucratif ayant leur siège en France.
L’aide juridictionnelle peut être accordée pour tout type de procédure devant les juridictions françaises (civile, pénale, administrative), à l’exception notable des procédures devant le Conseil constitutionnel. Elle couvre également certaines procédures non juridictionnelles comme la transaction, la médiation ou la procédure participative. En revanche, elle ne s’applique pas aux litiges liés à l’activité professionnelle du demandeur, sauf exceptions.
Les différents niveaux d’aide juridictionnelle
En fonction des ressources du demandeur et de la composition de son foyer fiscal, l’aide juridictionnelle peut être accordée à différents niveaux :
- Aide juridictionnelle totale : prise en charge de la totalité des frais de procédure et d’avocat, hors droit de plaidoirie de 13€.
- Aide juridictionnelle partielle : prise en charge d’une partie des frais selon un barème allant de 25% à 55%. Le justiciable devra régler le reste à sa charge.
Il existe également une aide appelée « aide à l’intervention de l’avocat » qui permet de prendre en charge uniquement les honoraires d’avocat dans le cadre de certaines procédures non juridictionnelles comme la garde à vue, la médiation pénale ou l’assistance d’un mineur.
Conditions d’attribution de l’aide juridictionnelle
Pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, le demandeur doit remplir plusieurs conditions :
1. Conditions de nationalité et de résidence
L’aide est ouverte sans condition de nationalité aux personnes résidant habituellement en France. Pour les personnes ne résidant pas en France, il faut :
- Soit être de nationalité française ou ressortissant de l’Union Européenne
- Soit être de nationalité étrangère mais résider habituellement et régulièrement dans un État membre de l’UE (hors Danemark)
2. Conditions de ressources
C’est le critère principal d’éligibilité à l’aide juridictionnelle. Les ressources prises en compte sont celles du demandeur ainsi que de son foyer fiscal s’il en a un. Le niveau de ressources à ne pas dépasser pour bénéficier de l’aide varie en fonction de la composition du foyer fiscal. À titre indicatif, les plafonds au 1er janvier 2023 sont les suivants :
- Personne seule : 1 113 €/mois pour l’aide totale, entre 1 113 € et 1 510 € pour l’aide partielle
- Couple sans enfant : 1 402 €/mois pour l’aide totale, entre 1 402 € et 1 901 € pour l’aide partielle
- Couple avec 1 enfant : 1 690 €/mois pour l’aide totale, entre 1 690 € et 2 292 € pour l’aide partielle
Les ressources prises en compte sont en principe celles figurant sur le dernier avis d’impôt sur le revenu. Des déductions sont possibles pour certaines prestations sociales comme les allocations familiales.
Il existe des exceptions à la condition de ressources :
- Pour les victimes de crimes ou leurs ayants droit qui peuvent bénéficier de l’aide sans condition de ressources
- Pour les victimes de violences conjugales qui peuvent obtenir l’aide à titre provisoire indépendamment de leurs ressources
- Pour les mineurs qui ont droit à l’aide sans examen des ressources des parents, sauf s’il s’agit d’un mineur délaissé
3. Conditions liées à l’absence de protection juridique
L’aide juridictionnelle n’est pas accordée si le justiciable bénéficie d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’une prise en charge des frais par son employeur. Il devra fournir une attestation de non prise en charge lors de sa demande.
Démarches pour faire une demande d’aide juridictionnelle
La demande d’aide juridictionnelle peut être effectuée à tout moment, que la procédure judiciaire soit déjà engagée ou non. Il est toutefois conseillé de faire la demande le plus tôt possible.
La démarche se fait en remplissant un formulaire Cerfa n°15626*01 disponible sur le site Service-public.fr ou auprès des tribunaux, des maisons de la justice et du droit, des points d’accès au droit, etc.
Le formulaire doit être accompagné des pièces justificatives suivantes :
- Justificatifs d’identité et de nationalité (carte d’identité, passeport…)
- Justificatif de domicile de moins de 3 mois
- Dernier avis d’imposition ou de non-imposition, ou justificatifs de revenus des 6 derniers mois en cas de changement de situation
- Copie des actes de procédure le cas échéant
- Attestation de non prise en charge par une assurance ou l’employeur
Le dossier complet doit ensuite être envoyé ou déposé au bureau d’aide juridictionnelle compétent, qui varie selon la juridiction saisie du litige :
- Pour le Conseil d’État et la Cour de cassation : au bureau d’aide juridictionnelle près ces juridictions
- Pour les juridictions administratives : au bureau du tribunal administratif concerné
- Pour les autres juridictions : au bureau du tribunal judiciaire concerné
Le bureau d’aide juridictionnelle dispose d’un délai d’un mois pour instruire la demande et rendre sa décision. En cas de demande incomplète, il peut demander des pièces complémentaires. L’absence de réponse sous un mois vaut acceptation de la demande.
Si le demandeur se voit refuser l’aide juridictionnelle ou conteste le niveau d’aide accordé, il dispose d’un délai de 15 jours pour exercer un recours devant le président de la juridiction concernée.
Choix de l’avocat et paiement des frais
Lorsque l’aide juridictionnelle est accordée, le bénéficiaire peut en principe choisir librement l’avocat qui l’assistera. Il peut s’agir d’un avocat qu’il connaît déjà ou d’un avocat figurant sur la liste des avocats volontaires pour l’aide juridictionnelle. S’il ne choisit pas d’avocat, le bâtonnier lui en désignera un d’office.
L’avocat choisi ou désigné sera directement payé par l’État selon un barème fixé par décret. En cas d’aide juridictionnelle partielle, le bénéficiaire devra régler le complément d’honoraires non pris en charge, qui fera l’objet d’une convention d’honoraires avec l’avocat.
Les autres frais (expertises, enquêtes sociales, etc.) seront également réglés selon les barèmes de l’aide juridictionnelle, avec une prise en charge totale en cas d’aide totale et un reste à charge pour le bénéficiaire en cas d’aide partielle.
L’aide juridictionnelle dans un contexte international
L’aide juridictionnelle peut dans certains cas être accordée pour des litiges transfrontaliers au sein de l’Union Européenne (hors Danemark).
C’est le cas lorsqu’une personne résidant en France est impliquée dans une procédure civile ou commerciale se déroulant dans un autre État membre, ou lorsqu’une personne résidant dans un autre État membre est impliquée dans une procédure en France.
La demande d’aide doit alors être faite via un formulaire spécifique et transmise à l’autorité compétente de l’État où se déroule la procédure, soit directement soit via le bureau d’aide juridictionnelle du ministère de la justice en France.
Les conditions d’octroi de l’aide seront alors examinées selon les critères de l’État concerné. Des différences notables peuvent exister par rapport au système français, notamment sur le niveau de ressources exigé ou la prise en compte du patrimoine.
Zoom sur l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)
Les demandeurs d’asile faisant appel d’une décision de rejet de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devant la CNDA peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle selon des modalités spécifiques.
En effet, devant cette juridiction, le bénéfice de l’aide est de plein droit sauf si le recours est considéré comme irrecevable. Cela signifie que l’aide sera accordée sans condition de ressources, sur simple demande.
Le demandeur dispose d’un délai de 15 jours à compter de la réception de la notification de rejet de l’OFPRA pour faire sa demande. Le formulaire, accompagné d’un justificatif d’identité, doit être envoyé au bureau d’aide juridictionnelle de la CNDA.
Une fois l’aide accordée, le requérant peut choisir lui-même son avocat ou s’en voir désigner un par le bureau d’aide juridictionnelle. L’avocat sera payé selon un barème forfaitaire propre aux affaires devant la CNDA.
En cas de rejet de la demande, un recours est possible devant le président de la CNDA sous 8 jours.