Vous envisagez de vendre votre bien immobilier en viager ? Ou peut-être souhaitez-vous acheter un logement selon cette méthode peu conventionnelle ? Quelle que soit votre situation, je vais vous expliquer en détail le fonctionnement du viager immobilier. Vous saurez tout sur les avantages, les inconvénients, les différents types de viager, le calcul des rentes, les aspects juridiques et fiscaux. Plongeons ensemble dans les arcanes de ce dispositif fascinant !
Le viager immobilier, qu’est-ce que c’est ?
Commençons par définir ce concept. Le viager immobilier est une méthode de vente particulière dans laquelle le vendeur, connu sous le nom de crédirentier, transfère sa propriété à un acheteur, appelé débirentier, en échange du paiement d’une rente viagère. Cette rente est une somme d’argent versée périodiquement jusqu’au décès du vendeur. En plus de cette rente, il peut y avoir un bouquet, c’est-à-dire un capital payé lors de la signature de l’acte de vente chez le notaire. Il existe principalement deux types de viager immobilier :
- Le viager occupé : le vendeur conserve le droit d’usage et d’habitation (DUH) jusqu’à son décès. Il continue donc à vivre dans son logement.
- Le viager libre : l’acheteur peut disposer du bien immédiatement, pour y habiter ou le louer. Le vendeur perçoit uniquement la rente.
Dans tous les cas, le décès du crédirentier marque la fin du versement de la rente et le transfert définitif de la pleine propriété à l’acheteur. Ce principe d’aléa est fondamental : la durée exacte du versement de la rente est inconnue puisqu’elle dépend de la durée de vie du vendeur. Une vente viagère où l’espérance de vie du vendeur est quasi-nulle (maladie incurable par exemple) peut même être annulée.
L’achat en viager peut sembler risqué pour le débirentier, mais il permet en contrepartie de devenir propriétaire à moindre coût, en échelonnant le paiement du prix sous forme de rente. Pour le crédirentier, c’est l’occasion de percevoir un complément de retraite sous forme de rente à vie, tout en restant chez soi. Un viager est donc une transaction « gagnant-gagnant » quand elle est bien montée.
Les étapes clés d’un achat en viager
Intéressé par l’achat d’un bien en viager ? Voici les grandes étapes à suivre :
- Estimer la valeur du bien. La valeur vénale du logement doit être évaluée par un expert, sur la base des prix du marché.
- Calculer le droit d’usage et d’habitation. Dans le cas d’un viager occupé, il faut évaluer ce fameux DUH qui correspond en quelque sorte au manque à gagner pour l’acheteur du fait de l’occupation des lieux par le vendeur. Ce DUH se calcule en fonction de la valeur locative du bien et de l’espérance de vie du crédirentier, à l’aide de tables statistiques et d’un taux d’actualisation. C’est une notion centrale sur laquelle je reviendrai plus en détail.
- Définir le prix de vente « nu ». Il s’agit de la valeur vénale diminuée du DUH. Cela correspond au prix d’achat effectif compte tenu de « l’décote d’occupation ».
- Déterminer le montant du bouquet et de la rente. Le bouquet est librement négocié entre vendeur et acheteur. La rente est calculée à partir du prix nu diminué du bouquet, de l’espérance de vie du crédirentier et d’un taux de capitalisation. Plus le vendeur est âgé, plus la rente sera élevée.
- Signer l’acte authentique chez le notaire. Comme pour toute vente immobilière, un acte notarié est obligatoire.
Lors de la signature, l’acheteur s’acquitte des frais de notaire, calculés sur le prix de vente viager et non sur la valeur vénale. C’est un avantage fiscal non négligeable ! Attention à bien inclure des clauses de réversibilité de la rente au conjoint survivant, ainsi qu’une clause résolutoire en cas de non-paiement.
Quelques conseils si vous êtes vendeur
Vendre son bien immobilier en viager est une décision importante qui ne doit pas se prendre à la légère. Voici quelques conseils :
- Bien choisir son acheteur. Misez sur un débirentier fiable et solvable, en mesure d’honorer le versement de la rente viagère sans défaut. Faites réaliser une analyse comparative par des experts.
- Faire estimer précisément son bien. L’expertise de la valeur vénale est primordiale car elle conditionne le montant de la rente. Ne sous-estimez pas la valeur de votre logement !
- Trouver le bon équilibre bouquet/rente. Le bouquet permet de disposer rapidement d’une somme d’argent, mais faire gonfler le bouquet se fait au détriment de la rente. Il faut bien analyser vos besoins de liquidités immédiats et vos besoins de revenus complémentaires réguliers.
- Inclure les clauses essentielles. Prévoyez la réversion de la rente viagère à 100% à votre conjoint survivant. Pensez aussi à la clause de libération anticipée des lieux, en cas de départ en maison de retraite par exemple.
- Vigilance sur le viager familial. Vendre en viager à ses enfants peut être tentant mais attention au risque de requalification en donation déguisée par le fisc !
N’oubliez pas qu’un viager occupé vous prive des possibilités de revente ou de transmission de votre logement. C’est un choix quasi-définitif qu’il faut bien peser. À noter que la rente viagère est imposable, après un abattement variable en fonction de votre âge. Plus vous vendez tard, plus l’imposition de la rente sera légère.
DUH, taux d’actualisation, rente… : les notions à maîtriser
Vous l’aurez compris, le nerf de la guerre pour réussir une vente en viager, c’est le calcul de la rente viagère. Et cela fait appel à des notions spécifiques qu’il faut bien comprendre :
- Le droit d’usage et d’habitation (DUH) : il correspond à l’équivalent en capital de la moins-value d’occupation du logement par le vendeur. Concrètement, on calcule ce que coûterait la location du bien sur la durée de vie statistique du crédirentier, en actualisant les loyers futurs. Le DUH est ensuite déduit de la valeur vénale pour obtenir le prix de vente « nu ».
- Le taux d’actualisation : c’est le taux utilisé pour calculer la valeur actuelle d’un flux futur. Il est fixé en fonction des taux d’intérêt en vigueur et intègre une prime de risque. Plus il est élevé, plus le DUH est faible.
- Le taux de capitalisation : c’est le taux utilisé pour transformer un capital en rentes viagères futures. Il dépend aussi des taux en vigueur mais intègre en plus la espérance de vie du crédirentier.
- Les tables statistiques de mortalité : elles permettent d’estimer l’espérance de vie d’une personne en fonction de son âge et de son sexe. Les tables prospectives comme la TGH05 sont privilégiées pour tenir compte des gains d’espérance de vie. Les tables donnent une espérance de vie moyenne pour un âge donné. Attention, l’espérance de vie d’un couple est plus élevée que celle de chaque individu le composant !
Autant de paramètres à manier avec précaution pour établir le « juste prix » d’un viager. Il existe des barèmes standards comme le barème Daubry qui donnent des ordres de grandeur. Mais attention, chaque viager est un cas particulier qui requiert une analyse personnalisée. Faites impérativement appel à des experts !
Viager sans rente, nue-propriété : les alternatives
Le viager classique n’est pas la seule façon de vendre un bien immobilier en se réservant le droit d’y vivre. Il existe deux alternatives intéressantes :
- Le viager sans rente (ou viager mutualisé) : la particularité est que le prix est intégralement payé « comptant » par l’acheteur sous forme de bouquet. Il n’y a donc pas de rente viagère. Cela sécurise totalement la transaction pour le vendeur, mais le prive d’un complément de revenus régulier. C’est une bonne option si les revenus sont suffisants par ailleurs.
- La vente en nue-propriété : dans ce schéma, le vendeur conserve l’usufruit du bien et non un simple droit d’usage. La différence ? Il peut louer son logement et en percevoir les loyers ! Mais il continue aussi à payer la taxe foncière et les gros travaux, ce qui n’est pas le cas en viager occupé. L’acheteur est également pénalisé car il doit payer la taxe sur les plus-values immobilières s’il revend le bien après le décès de l’usufruitier. Ce n’est pas le cas pour un viager.
Pour ces montages alternatifs, le mode de calcul du prix, du DUH et de la décote d’occupation est proche d’un viager classique. Mais ils peuvent être intéressants dans certains cas de figure.
Conclusion
Vous savez désormais tout (ou presque !) sur le fonctionnement du viager immobilier. C’est un mécanisme qui peut se révéler gagnant pour le vendeur comme pour l’acheteur, à condition de bien faire ses comptes et de s’entourer de professionnels compétents. Les pièges sont nombreux, les paramètres à prendre en compte multiples, et les conséquences d’une erreur potentiellement lourdes. Alors si le viager vous tente, foncez, mais en mettant toutes les chances de votre côté !
Je conclurai par une mise en garde. Le viager est avant tout un pari sur la durée de vie du crédirentier. Certes, les statistiques permettent d’établir des projections fiables, mais les moyennes ne font pas les destins individuels. Rappelons le cas de Jeanne Calment, doyenne de l’humanité, qui a vendu son appartement en viager à l’âge de 90 ans à un notaire qui pensait faire une bonne affaire. Manque de chance, elle s’est éteinte 32 ans plus tard à 122 ans ! Le malheureux acheteur était décédé entre-temps et c’est sa veuve qui a dû continuer à payer la rente. Au final, le montant des rentes versées a dépassé de très loin la valeur du bien. Moral de l’histoire ? Le viager est un excellent outil, à manier avec discernement !