Lorsqu’on est parent d’un enfant autiste, l’une des principales préoccupations est souvent de l’aider à développer son langage et ses capacités de communication. En effet, les troubles du spectre autistique (TSA) s’accompagnent fréquemment de difficultés au niveau du langage et des interactions sociales. Mais avec un accompagnement adapté, il est tout à fait possible pour un enfant autiste d’apprendre à communiquer, que ce soit verbalement ou avec d’autres outils.
Dans cet article, nous allons explorer en détail les différentes façons d’aider un enfant autiste à parler et à communiquer. Des méthodes spécifiques comme PECS ou Makaton, en passant par des conseils pratiques du quotidien, vous découvrirez une multitude de pistes pour soutenir le développement langagier de votre enfant. Bien sûr, chaque enfant autiste est unique et ce qui fonctionne pour l’un ne conviendra pas forcément à un autre. Mais en essayant différentes approches avec patience et bienveillance, vous trouverez peu à peu ce qui convient le mieux à votre enfant.
Comprendre les difficultés de communication des enfants autistes
Avant de voir comment aider concrètement un enfant autiste à parler, il est important de bien comprendre les spécificités de la communication chez les personnes TSA.
Chez les enfants neurotypiques, le développement du langage se fait de façon très précoce et spontanée : babillage, premiers mots, phrases de plus en plus construites…Tout cela s’acquiert naturellement au contact de l’entourage. Pour les enfants autistes en revanche, ce processus est souvent plus long et nécessite un accompagnement particulier.
Les difficultés de communication des enfants autistes peuvent prendre différentes formes :
- Certains enfants ne développent pas de langage verbal
- D’autres ont accès au langage oral mais peinent à l’utiliser de façon adaptée en situation d’interaction
- Beaucoup rencontrent des troubles spécifiques comme l’écholalie (tendance à répéter des mots ou phrases entendus)
Il est important de garder à l’esprit qu’il existe une grande diversité de profils langagiers chez les enfants TSA. Certains pourront développer un langage riche mais auront du mal à tenir compte du contexte social. D’autres seront à l’aise pour communiquer leurs besoins de base mais peineront à avoir une conversation. D’autres encore ne parleront pas du tout.
Face à cette hétérogénéité, une évaluation fine des compétences de communication de l’enfant par des professionnels (orthophoniste, neuropédiatre…) est indispensable pour mettre en place un projet personnalisé. L’objectif sera de trouver les outils et les méthodes les plus adaptés pour permettre à l’enfant de progresser à son rythme.
Avec un accompagnement précoce et sur-mesure, la grande majorité des enfants autistes pourront développer des compétences de communication, verbales ou non verbales. Pour les stimuler au mieux, de multiples approches existent, allant de méthodes spécifiques très structurées à des petits gestes du quotidien. Détaillons maintenant ces différentes possibilités.
Les outils de communication alternative et augmentée
Lorsqu’on pense au développement de la communication, on a souvent en tête l’acquisition du langage verbal. Mais il existe en réalité de nombreux outils pour communiquer autrement, regroupés sous le terme de Communication Alternative et Augmentée (CAA). La CAA désigne tous les moyens de communication qui peuvent compléter ou remplacer la parole.
Pour les enfants autistes qui ont peu ou pas accès au langage oral, la CAA va être une aide précieuse pour exprimer leurs besoins et interagir avec leur entourage. Même pour ceux qui parlent, les outils de CAA pourront servir de support pour enrichir leurs échanges.
Il existe deux grandes catégories d’outils de communication alternative :
- Les outils “low tech” (basse technologie), qui ne nécessitent pas d’appareil électronique : classeurs ou tableaux de communication avec des images, des pictogrammes, des photos…
- Les outils “high tech” (haute technologie) basés sur des appareils électroniques : logiciels sur ordinateur, applications sur tablette, systèmes de synthèse vocale…
L’objectif est de trouver le ou les outils les plus adaptés à chaque enfant, en fonction de ses capacités motrices, visuelles, cognitives…L’idéal est de proposer plusieurs supports de CAA complémentaires.
L’outil de CAA le plus connu et le plus utilisé auprès des enfants TSA est sans doute le PECS (Picture Exchange Communication System). Comme son nom l’indique, il s’agit d’un système de communication basé sur l’échange d’images. L’enfant va petit à petit apprendre à utiliser des pictogrammes pour exprimer une demande, faire un commentaire, poser une question…
Le PECS se décompose en 6 phases d’apprentissage progressives :
- Apprendre à échanger une image contre l’objet désiré
- Apprendre à aller chercher son interlocuteur pour faire une demande
- Faire un choix entre plusieurs images
- Construire des phrases simples avec les images (Je veux + objet)
- Répondre à la question “Que veux-tu?”
- Faire des commentaires, poser des questions
Pour mettre en place la méthode PECS, on utilisera dans un premier temps des images très concrètes représentant des objets ou des aliments que l’enfant apprécie particulièrement. Ensuite, on pourra proposer des pictogrammes de plus en plus abstraits et diversifiés pour enrichir son répertoire de communication.
Un autre outil de CAA très utilisé est le Makaton. Il s’agit d’un programme d’aide à la communication et au langage qui associe la parole, les signes et les pictogrammes. Le Makaton peut être introduit très tôt, dès que l’enfant montre des difficultés à communiquer. Il permet de soutenir la compréhension et l’expression orale grâce aux signes.
L’enfant (et son entourage) vont apprendre les signes Makaton les plus utiles au quotidien : manger, dormir, encore, fini… Progressivement, le vocabulaire signé pourra être enrichi en fonction des progrès et des besoins de l’enfant. L’idée est d’utiliser en parallèle les mots et les signes, afin que l’enfant fasse peu à peu le lien entre les deux. Les pictogrammes Makaton peuvent aussi être proposés en complément, notamment aux enfants qui ont des difficultés à signer.
Le grand avantage des outils de CAA comme le PECS ou le Makaton, c’est qu’ils permettent à l’enfant de communiquer de façon autonome et spontanée, sans avoir besoin de la parole. Grâce à ces supports visuels, l’enfant peut faire des demandes, exprimer ses émotions, commenter ce qui l’entoure…Et plus il utilisera ces outils de communication, plus il sera motivé pour interagir avec les autres.
La CAA a d’ailleurs souvent un effet positif sur le développement du langage oral. En rendant la communication plus facile et gratifiante, elle donne envie à l’enfant autiste de prendre des initiatives pour parler à son tour. Les mots associés aux signes et aux pictogrammes vont aussi l’aider à enrichir son vocabulaire et à mieux structurer son discours.
Pour toutes ces raisons, il est vivement conseillé de mettre en place des outils de CAA le plus tôt possible, dès que des troubles de la communication sont repérés. Un orthophoniste pourra vous guider pour choisir les outils les plus pertinents selon le profil de votre enfant et vous former à leur utilisation. L’objectif est que les outils soient utilisés de façon cohérente par tout l’entourage de l’enfant (famille, école…) pour une efficacité optimale.
Les méthodes comportementales et développementales
Parallèlement à la mise en place d’outils de CAA, il existe des méthodes spécifiques qui vont aider l’enfant autiste à développer ses compétences de communication et d’interaction sociale de façon plus globale. Certaines de ces approches sont dites “comportementales”, d’autres “développementales”. Elles peuvent être complémentaires.
Parmi les méthodes comportementales, la plus connue est l’ABA (Analyse Appliquée du Comportement). Il s’agit d’une technique basée sur les principes de l’apprentissage par conditionnement opérant. Concrètement, cela consiste à décomposer les compétences à acquérir en petits objectifs, à créer de nombreuses occasions de les travailler et à renforcer positivement les réussites de l’enfant.
En séance ABA, on va par exemple apprendre à l’enfant à pointer du doigt pour faire une demande. On commencera par lui montrer le geste, en guidant sa main si besoin. Puis on multipliera les opportunités pour qu’il le fasse de façon spontanée, en le récompensant chaque fois avec un sourire, des félicitations, un petit jeu… Au fur et à mesure des répétitions, l’enfant va intégrer ce nouveau comportement de communication.
L’ABA peut être utilisée pour de multiples compétences langagières et sociales : apprendre à imiter des sons et des mots, faire des demandes, répondre à des questions, respecter les tours de parole… Les objectifs sont individualisés en fonction des besoins de chaque enfant, évalués au préalable. Un suivi très régulier (20h minimum par semaine) est nécessaire pour une efficacité optimale.
D’autres approches comportementales existent comme le VB-MAPP (Verbal Behavior Milestones Assessment and Placement Program), qui met davantage l’accent sur les aspects fonctionnels du langage. Cette méthode vise à apprendre à l’enfant à utiliser le langage oral pour agir sur son environnement : obtenir ce qu’il désire, commenter, répondre…
Comme l’ABA, le VB-MAPP implique de décomposer les compétences visées en petits objectifs hiérarchisés. Les apprentissages se font là aussi de façon très progressive, avec de nombreuses répétitions et renforcements positifs. La différence est que le VB-MAPP cherche à donner directement du sens aux mots et aux phrases travaillés, en les reliant aux intentions de communication de l’enfant.
Passons maintenant aux approches développementales. Contrairement aux méthodes ABA et VB-MAPP qui sont très directives, celles-ci se basent davantage sur les initiatives et les intérêts de l’enfant.
La méthode développementale la plus utilisée auprès des jeunes enfants autistes est le modèle Denver. Il s’agit d’un programme ludique et relationnel, centré sur le développement des interactions sociales précoces. Les séances se déroulent sous forme de jeux adaptés au niveau de développement de l’enfant.
Lors des séances Denver, l’adulte va constamment chercher à capter l’attention de l’enfant et à l’engager dans des interactions, en suivant ses centres d’intérêts. Il va par exemple commenter ses actions, imiter ses productions sonores, introduire de petites variations dans ses jeux pour le stimuler… L’idée est d’amener progressivement l’enfant à prendre plaisir à ces échanges et à y participer activement.
En multipliant ce genre d’expériences positives au quotidien, le modèle Denver permet à l’enfant autiste de développer petit à petit des compétences de communication non verbale (contact visuel, pointage, imitation…) et verbale (babillage, premiers mots…). L’approche est particulièrement recommandée pour les enfants de moins de 5 ans.
Enfin, citons la méthode TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication Handicapped Children). Même s’il ne s’agit pas d’un programme spécifique au langage, cette approche est intéressante pour favoriser la communication. Elle consiste à structurer l’environnement et les activités proposées grâce à des supports visuels, pour les rendre plus facilement compréhensibles par l’enfant autiste.
Par exemple, on utilisera un emploi du temps visuel pour que l’enfant puisse anticiper le déroulement de sa journée. Chaque activité sera illustrée par un pictogramme et le temps sera matérialisé par un “time timer”. Ce genre de repères rassurants vont aider l’enfant à mieux comprendre les situations de communication et à s’y impliquer davantage.
La méthode TEACCH préconise aussi de proposer à l’enfant des tâches de travail individuelles, présentées de façon très visuelle étape par étape.