L’évolution des taux d’intérêt est un sujet qui préoccupe de nombreux emprunteurs et épargnants. Avec l’inflation qui a fortement augmenté ces derniers mois, la question de la hausse des taux par les banques se pose avec acuité. Dans cet article, nous allons examiner en détail les conditions dans lesquelles une banque peut augmenter ses taux, les conséquences pour les clients, ainsi que le rôle des banques centrales dans la fixation des taux directeurs.
Le mécanisme de fixation des taux d’intérêt
Avant d’aborder la question de l’augmentation des taux, il est important de comprendre comment sont fixés les taux d’intérêt bancaires. Plusieurs facteurs entrent en jeu :
Le rôle central des taux directeurs
Les taux directeurs fixés par les banques centrales, comme la Banque centrale européenne (BCE) pour la zone euro, jouent un rôle fondamental. Ces taux servent de référence pour l’ensemble du système bancaire. Lorsque la BCE augmente ses taux directeurs, cela se répercute généralement sur les taux proposés par les banques commerciales à leurs clients.
La BCE dispose de trois principaux taux directeurs :
- Le taux de refinancement : c’est le taux auquel les banques peuvent emprunter à la BCE pour une semaine.
- Le taux de facilité de dépôt : c’est le taux auquel les banques sont rémunérées pour leurs dépôts à la BCE sur 24h.
- Le taux de prêt marginal : c’est le taux auquel les banques peuvent emprunter à la BCE sur 24h.
L’influence du marché interbancaire
Les banques se prêtent également entre elles sur le marché interbancaire. Le taux pratiqué sur ce marché, comme l’Euribor (Euro Interbank Offered Rate), a une incidence sur les taux proposés aux clients. Si l’Euribor augmente, les banques répercutent généralement cette hausse sur leurs propres taux.
Les coûts de fonctionnement et la marge des banques
Les banques intègrent leurs coûts de fonctionnement et leur marge commerciale dans les taux qu’elles proposent. Si ces éléments augmentent, cela peut se traduire par une hausse des taux pour les clients.
Le profil de risque de l’emprunteur
Pour les crédits, la banque évalue le risque représenté par chaque emprunteur. Un profil jugé plus risqué se verra proposer un taux plus élevé.
Les conditions d’augmentation des taux par une banque
Une fois ces mécanismes compris, examinons dans quelles conditions une banque peut augmenter ses taux d’intérêt.
Pour les nouveaux contrats
Pour les nouveaux contrats de crédit ou d’épargne, la banque est libre de fixer ses taux comme elle l’entend, dans la limite du respect de certaines réglementations comme le taux d’usure pour les crédits. Elle peut donc les augmenter à tout moment, en fonction de l’évolution du marché et de sa politique commerciale.
Pour les contrats en cours à taux variable
Certains contrats, notamment de crédit immobilier, sont à taux variable. Dans ce cas, le taux évolue selon une formule définie dans le contrat, généralement indexée sur un indice de référence comme l’Euribor. Si cet indice augmente, le taux du crédit augmentera automatiquement, sans que la banque n’ait besoin de prendre une décision spécifique.
Type de taux | Possibilité d’augmentation | Conditions |
---|---|---|
Taux fixe | Non | Le taux reste inchangé pendant toute la durée du contrat |
Taux variable | Oui | Selon la formule définie dans le contrat, généralement indexée sur un indice de référence |
Taux révisable | Oui | À des dates prédéfinies dans le contrat, selon des modalités précises |
Pour les contrats en cours à taux fixe
Pour les contrats à taux fixe, comme la plupart des crédits immobiliers en France, la banque ne peut pas augmenter unilatéralement le taux pendant la durée du contrat. Le taux fixé à la signature du contrat s’applique jusqu’à son terme, sauf accord des deux parties pour le modifier.
Le cas particulier de l’instruction des dossiers de crédit
Une problématique spécifique concerne l’augmentation des taux pendant la phase d’instruction des dossiers de crédit. Entre le moment où un client sollicite un crédit et reçoit une offre ferme, plusieurs semaines peuvent s’écouler. Durant cette période, la banque peut-elle augmenter le taux initialement évoqué ?
La réponse du ministre de l’Économie à une question parlementaire sur ce sujet en 2023 est éclairante. Il affirme que « »tant que le prêteur n’a pas finalisé l’instruction du dossier, […] les simulations effectuées en amont n’ont qu’une valeur indicative et ne peuvent être assimilées à un engagement contractuel » ». Autrement dit, la banque peut effectivement augmenter le taux jusqu’à l’émission de l’offre de prêt officielle.
Cette situation peut être problématique pour les emprunteurs, surtout en période de hausse rapide des taux. Elle souligne l’importance pour les clients de rester vigilants et de comparer les offres jusqu’au dernier moment.
Les contraintes réglementaires encadrant les taux d’intérêt
Si les banques disposent d’une certaine liberté pour fixer leurs taux, elles doivent néanmoins respecter plusieurs contraintes réglementaires :
Le taux d’usure
Le taux d’usure est le taux maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un prêt. Il est fixé chaque trimestre par la Banque de France et varie selon les types de prêt. Toute banque qui proposerait un taux supérieur au taux d’usure serait dans l’illégalité.
L’obligation d’information préalable
Pour les contrats à taux variable, la banque a l’obligation d’informer son client de toute variation de taux, généralement au moins 15 jours avant son application.
Le respect des conditions contractuelles
Pour les contrats en cours, la banque doit respecter scrupuleusement les conditions prévues dans le contrat initial. Toute modification non prévue nécessiterait l’accord du client.
La réglementation sur les taux négatifs
Dans le contexte de taux bas que nous avons connu ces dernières années, la question des taux négatifs s’est posée. La loi française interdit aux banques d’appliquer des taux d’intérêt négatifs aux particuliers, que ce soit pour les crédits ou l’épargne.
L’impact de l’inflation sur les taux d’intérêt
L’inflation joue un rôle crucial dans l’évolution des taux d’intérêt. Lorsque l’inflation augmente, les banques centrales ont tendance à relever leurs taux directeurs pour la contenir, ce qui se répercute sur l’ensemble des taux bancaires.
Le mécanisme de transmission de la politique monétaire
Quand l’inflation s’accélère, la banque centrale augmente généralement ses taux directeurs. Cela renchérit le coût de l’argent pour les banques commerciales, qui répercutent cette hausse sur leurs clients. L’objectif est de freiner la demande de crédit et donc la consommation, pour ralentir la hausse des prix.
L’impact sur les différents types de taux
L’inflation n’a pas le même impact sur tous les types de taux :
- Les taux variables sont directement affectés, car ils suivent l’évolution des indices de référence.
- Les taux fixes des nouveaux contrats augmentent également, car les banques anticipent la hausse future des taux.
- Les taux fixes des contrats en cours ne sont pas impactés, ce qui peut être avantageux pour les emprunteurs en période de forte inflation.
Le taux réel et le taux nominal
Il est important de distinguer le taux nominal, qui est le taux affiché, du taux réel, qui prend en compte l’inflation. En période de forte inflation, un taux nominal positif peut correspondre à un taux réel négatif. Par exemple, si le taux d’intérêt est de 3% mais que l’inflation est de 5%, le taux réel est de -2%.
Taux nominal | Inflation | Taux réel |
---|---|---|
3% | 2% | 1% |
3% | 5% | -2% |
5% | 3% | 2% |
Les conséquences d’une hausse des taux pour les clients
Une augmentation des taux d’intérêt a des répercussions importantes pour les clients des banques, qu’ils soient emprunteurs ou épargnants.
Pour les emprunteurs
La hausse des taux a plusieurs conséquences pour les emprunteurs :
- Augmentation du coût du crédit : pour un même montant emprunté, les intérêts à rembourser seront plus élevés.
- Baisse de la capacité d’emprunt : à mensualité égale, le montant que l’on peut emprunter diminue lorsque les taux augmentent.
- Risque de surendettement : pour les crédits à taux variable, une forte hausse des taux peut entraîner une augmentation significative des mensualités, mettant en difficulté certains emprunteurs.
- Frein à l’accès à la propriété : la hausse des taux peut exclure certains ménages de l’accès au crédit immobilier.
Pour les épargnants
Les épargnants peuvent en revanche bénéficier d’une hausse des taux :
- Meilleure rémunération de l’épargne : les livrets d’épargne, comptes à terme et autres produits d’épargne voient généralement leur rémunération augmenter.
- Attractivité accrue des placements à taux fixe : les obligations d’État ou d’entreprises deviennent plus intéressantes lorsque les taux montent.
- Potentielle baisse de l’inflation : si la hausse des taux parvient à contenir l’inflation, cela préserve le pouvoir d’achat de l’épargne.
L’impact sur le marché immobilier
La hausse des taux a généralement un impact significatif sur le marché immobilier :
- Ralentissement des transactions : la baisse de la capacité d’emprunt des ménages peut freiner les ventes immobilières.
- Pression à la baisse sur les prix : si la demande diminue, les prix de l’immobilier peuvent stagner voire baisser.
- Allongement de la durée des crédits : pour maintenir des mensualités supportables, la durée des prêts tend à s’allonger.
Les stratégies des banques face à l’évolution des taux
Face à l’évolution des taux directeurs et du contexte économique, les banques adoptent différentes stratégies pour préserver leur rentabilité tout en restant compétitives.
La gestion de la marge d’intérêt
La marge d’intérêt, qui représente la différence entre les intérêts perçus sur les crédits et ceux versés sur les dépôts, est une source majeure de revenus pour les banques. En période de hausse des taux, les banques cherchent généralement à :
- Augmenter plus rapidement les taux des crédits que ceux de l’épargne pour préserver leur marge.
- Favoriser les crédits à taux variable qui leur permettent de répercuter plus facilement les hausses de taux.
- Diversifier leurs sources de revenus en développant les commissions sur d’autres services bancaires.
L’adaptation de l’offre de produits
Les banques ajustent leur gamme de produits en fonction de l’évolution des taux :
- Développement de produits d’épargne à taux progressif pour attirer les épargnants sans s’engager sur des taux élevés à long terme.
- Proposition de crédits à taux mixte, combinant une période à taux fixe et une période à taux variable.