De plus en plus de salariés sont amenés à travailler de façon isolée, que ce soit de manière permanente ou occasionnelle. Livreurs, télétravailleurs, agents de maintenance, gardiens, commerciaux itinérants… Les métiers concernés sont nombreux. Cette situation expose les travailleurs isolés à des risques spécifiques pour leur santé et leur sécurité.
La loi impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger ces salariés vulnérables. Évaluation des risques, moyens de communication, dispositifs d’alarme, organisation des secours… Voici tout ce qu’il faut savoir pour assurer efficacement la protection de vos travailleurs isolés et respecter vos obligations.
Travailleur isolé : de qui parle-t-on exactement ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la notion de travailleur isolé ne se limite pas aux personnes travaillant sur des lieux isolés comme des sites de montagne ou des installations pétrolières offshore. Un travailleur est considéré comme isolé dès lors qu’il réalise une tâche seul, hors de vue ou de portée de voix d’autres personnes.
Cela concerne de nombreuses situations de travail, par exemple :
Un livreur effectuant sa tournée seul
Un commercial en déplacement
Un agent de sécurité surveillant un site la nuit
Un ouvrier réalisant des travaux de maintenance dans une zone à l’écart
Un employé travaillant seul dans un bureau isolé des autres
Un télétravailleur à son domicile
L’isolement peut être permanent, comme pour un gardien de nuit, ou temporaire, le temps d’une intervention spécifique par exemple. Il peut se produire de jour comme de nuit, en intérieur comme en extérieur, en présence de public ou non.
⚠️ Les risques liés au travail isolé
Le travail isolé expose les salariés concernés à des risques particuliers :
1. Difficulté à donner l’alerte et à être secouru rapidement en cas de problème
C’est le principal danger du travail isolé. En cas d’accident, malaise, agression… le travailleur isolé peut avoir du mal à alerter les secours. Et même s’il y parvient, le délai d’intervention risque d’être plus long que pour un salarié entouré de collègues. Chaque minute compte pour limiter la gravité des conséquences.
2. Risques physiques amplifiés
Un environnement de travail comportant des risques de chute, d’écrasement, d’electrocution, d’incendie, d’exposition à des substances dangereuses… sera d’autant plus périlleux pour un travailleur seul. Les tâches physiques comme la manutention sont aussi plus accidentogènes.
3. Exposition aux agressions et incivilités
Les salariés en contact avec le public comme les agents de sécurité ou les commerciaux sont plus vulnérables face aux comportements agressifs s’ils sont seuls. Le risque de vol ou de braquage est également accru dans ce cas.
4. Risque routier
Les déplacements professionnels multiplient les risques d’accidents de voiture, encore plus lorsque le salarié est seul à bord de son véhicule, surtout sur de longs trajets.
5. Charge mentale et risques psychosociaux
L’isolement favorise le stress, la perte de repères, les ruminations anxieuses. Il rend plus difficile la gestion des imprévus et situations d’urgence. Sans soutien des collègues, la charge mentale est alourdie. Le sentiment d’insécurité ou d’abandon est aussi un facteur de risques psychosociaux.
Travailleur isolé : les obligations de l’employeur
D’après le Code du Travail, l’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. Cela passe notamment par la prévention des risques professionnels.
Ces principes généraux s’appliquent au cas particulier des travailleurs isolés. L’employeur doit évaluer les risques spécifiques liés à l’isolement et mettre en place des mesures de prévention adaptées. Quelques textes ciblent plus précisément le travail isolé :
La recommandation R.252 de la CNAMTS indique que « tout salarié doit faire l’objet d’une surveillance directe ou indirecte de jour et de nuit ».
L’article R.231-4-1 impose de prendre les « mesures nécessaires pour qu’aucun salarié ne travaille isolément en un point où il ne pourrait être secouru à bref délai en cas d’accident ».
L’article R.4512-13 renforce cette obligation sur les chantiers en co-activité.
L’article R.4543-19 indique qu’un « travailleur isolé doit pouvoir signaler toute situation de détresse et être secouru dans les meilleurs délais ».
Même s’il n’y a pas de réglementation détaillée sur ce sujet, ces textes montrent que l’employeur doit assurer la sécurité des travailleurs isolés et organiser les moyens de secours. En cas d’accident grave, sa responsabilité pénale pourrait être engagée pour non-respect de cette obligation de sécurité si les mesures de prévention n’étaient pas suffisantes.
✅ Comment protéger efficacement les travailleurs isolés ?
La protection des travailleurs isolés doit s’inscrire dans la démarche générale de prévention des risques professionnels :
1. Identifier les situations de travail isolé
La première étape est de repérer tous les postes et activités comportant des phases de travail isolé, même de courte durée. Etablissez une cartographie précise en consultant les salariés concernés.
2. Évaluer les risques spécifiques
Pour chaque situation de travail isolé, il faut analyser les risques : chute, electrocution, agressions, accidents routiers… Estimez leur gravité et leur probabilité pour hiérarchiser les priorités. Consignez cette évaluation dans le Document Unique.
3. Supprimer le travail isolé ou le réduire au maximum
Lorsque c’est possible, la meilleure prévention est d’éviter les situations de travail isolé, par exemple en réorganisant les plannings pour que les salariés travaillent au moins en binôme. Si le travail isolé ne peut être complètement supprimé, limitez sa durée et fréquence.
4. Mettre en place des mesures de prévention
Exemples d’actions de prévention des risques liés au travail isolé :
Fournir des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés : chaussures de sécurité, gants, casque…
Installer des dispositifs de protection collective : garde-corps, extincteurs, balisage des zones à risques…
Etablir des procédures de sécurité : consignes en cas d’urgence, check-list de vérification des EPI avant une intervention…
Former et informer les travailleurs isolés sur les risques et les conduites à tenir
Entretenir régulièrement les véhicules et fornir des équipements de sécurité (ex : pneus neiges, kit mains libres…)
Prévenir les risques routiers par un planning tenant compte du trafic et des conditions météo
Aménager des temps de pause et de contact avec l’équipe pour les travailleurs isolés
Proposer un soutien psychologique si besoin
5. Fournir des moyens de communication
Il est essentiel que le travailleur isolé puisse communiquer à tout moment avec son responsable ou les secours. Selon le contexte, cela peut passer par :
Un téléphone portable professionnel avec forfait adapté
Un talkie-walkie longue portée
Une balise satellite dans les zones blanches
Une montre connectée
6. Mettre en place un dispositif d’alarme pour travailleur isolé (DATI)
Un système DATI permet au travailleur isolé de donner l’alerte manuellement ou automatiquement en cas de problème, et de joindre une centrale de télésurveillance qui pourra géolocaliser le travailleur pour organiser les secours.
Il existe plusieurs technologies de DATI :
Applications pour smartphone
Téléphones et montres connectés
Boîtiers d’alarme dédiés, souvent plus robustes et simples d’utilisation que les applis
Systèmes radio VHF pour les sites non couverts par le réseau mobile
Le dispositif DATI doit être choisi en fonction des risques à couvrir et de l’environnement de travail (intérieur / extérieur, couverture réseau…). L’appareil doit être porté en permanence par le travailleur pendant ses activités.
7. Organiser les secours
L’alerte donnée par un travailleur isolé doit déclencher une procédure de secours pour lui venir en aide rapidement. Celle-ci doit être formalisée et connue des salariés. Elle précisera notamment :
Qui reçoit les alertes et comment (centrale d’écoute, standard interne…)
Quelles informations vont être transmises (identité du travailleur, localisation, type d’incident…)
Qui intervient en premier sur place et dans quels délais (équipiers secouristes du travail, référent sécurité…)
Quand les secours extérieurs sont contactés (SAMU, pompiers, police…)
Comment se déroule la prise en charge du travailleur et les soins
Des exercices et simulations permettent de tester régulièrement le dispositif d’alerte et de secours.
PTI et DATI : quelle différence ?
Deux sigles reviennent souvent au sujet de la protection des travailleurs isolés : PTI et DATI. Ils sont parfois utilisés à tort de manière interchangeable.
PTI signifie Protection du Travailleur Isolé. C’est le terme générique qui englobe l’ensemble des mesures visant à assurer la sécurité d’un salarié travaillant de façon isolée : évaluation des risques, prévention, moyens de communication, procédures, organisation des secours… C’est un concept, une démarche globale.
DATI signifie Dispositif d’Alarme pour Travailleur Isolé. C’est un équipement bien précis, portable par le travailleur (téléphone, montre, balise…) et permettant de donner l’alerte manuellement ou automatiquement. Le DATI n’est qu’un élément parmi d’autres d’une politique PTI.
Quel est le coût d’une solution DATI ?
Le prix d’un dispositif DATI est très variable selon le type de matériel, le nombre de travailleurs à équiper, les fonctionnalités, les services associés…
A titre indicatif, il faut compter à partir de :
10 €/mois par utilisateur pour une application smartphone de base
20 €/mois par travailleur pour une balise dédiée incluant la télésurveillance 24h/24
50 € à l’achat pour un talkie-walkie + environ 30 € par an et par appareil pour la licence et la maintenance
Des coûts de mise en service (paramétrage, formation…) peuvent s’ajouter ainsi qu’un engagement sur une durée (12, 24 ou 36 mois).
Au-delà de l’aspect financier, l’investissement dans un dispositif DATI doit surtout être considéré au regard des bénéfices humains, juridiques et économiques : accidents évités, vies sauvées, responsabilité engagée, image de l’entreprise, motivation des salariés…
☎️ Choisir son dispositif d’alarme pour travailleur isolé
Voici quelques critères à étudier pour choisir un système DATI adapté :
1. Type d’appareil
Smartphone, balise, boîtier, montre connectée… Le DATI doit être choisi en fonction du profil du travailleur isolé (travail physique, technicité…) et de son environnement (intérieur/extérieur, conditions d’utilisations…). Un boîtier simple et robuste sera plus adapté sur un chantier qu’une application sur un smartphone haut de gamme par exemple.
2. Mode de déclenchement des alertes
Le DATI proposera idéalement plusieurs moyens de lancer une alerte :
Bouton SOS accessible pour un déclenchement volontaire en cas de problème
Détection de chute ou d’immobilité prolongée pour donner l’alerte même si le travailleur est inconscient
Alarme volontaire silencieuse (ex : bouton discret à l’arrière de l’appareil) en cas d’agression
3. Couverture réseau
Les DATI utilisant le réseau mobile doivent être compatibles 3G/4G et proposer une couverture optimale du territoire, y compris à l’intérieur des bâtiments. Demandez une carte de couverture au fournisseur. Pour les zones blanches non couvertes par les opérateurs, les systèmes radio VHF longue portée sont à privilégier.
4. Précision de la localisation
Le DATI doit permettre de géolocaliser rapidement le travailleur en détresse pour guider les secours. La précision du positionnement GPS est un critère primordial. Certains appareils proposent aussi un suivi des déplacements en temps réel (tracking GPS).