Qu’est-ce que le droit de grève ?
- Un droit constitutionnel : le droit de grève est inscrit dans la Constitution française de 1958.
- Un droit individuel : chaque salarié est libre d’exercer ou non son droit de grève.
- Une cessation collective et concertée du travail : il faut un arrêt total et concerté du travail de plusieurs salariés.
- La défense d’intérêts professionnels : les revendications doivent concerner le travail ou les conditions de travail des salariés.
La Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, a précisé la définition juridique de la grève dans un arrêt de 1996. Pour être légale, une grève doit donc répondre à des critères stricts.
L’historique du droit de grève en France
Le droit de grève a connu une longue évolution en France avant d’être reconnu comme liberté fondamentale :
- 1884 : la loi Waldeck-Rousseau dépénalise le délit de grève.
- 1946 : le préambule de la Constitution reconnaît le droit de grève comme un principe fondamental.
- 1950 : la grève est réaffirmée comme un droit dans la Constitution.
- 1968 : les grandes grèves de mai 68 consolident le droit de grève.
- 2007 : la durée minimale de préavis de grève est ramenée de 5 à 2 jours dans les transports.
Aujourd’hui, le droit de grève est un pilier de la démocratie sociale en France. Il permet aux salariés de défendre leurs intérêts et de participer aux négociations avec leur direction ou les pouvoirs publics.
Comment exercer son droit de grève ?
Dans le secteur privé
Un salarié du privé n’a pas besoin de déposer de préavis pour faire grève. Quelques règles sont toutefois à respecter :
- Informer ses collègues : la grève doit être collective et concertée.
- Cesser complètement le travail : pas de « grève du zèle » ou de baisse de productivité.
- Rejoindre le mouvement de grève déjà commencé : il n’est pas possible de faire grève seul dans son coin.
Il est conseillé, mais pas obligatoire, de prévenir sa direction de son intention de participer à la grève. Un mail la veille ou le jour même suffit.
Les conséquences sur le salaire
Pendant une grève dans le privé, le contrat de travail est suspendu. Le salarié gréviste ne peut donc prétendre à aucune rémunération pour les heures non travaillées.
Attention : l’employeur doit calculer les retenues sur salaire uniquement à due proportion du temps de grève. S’il applique une retenue d’une journée entière pour une grève de 2 heures, cela constitue une sanction pécuniaire interdite.
Dans la fonction publique
Les agents publics bénéficient aussi du droit de grève, mais son exercice est plus encadré que dans le privé :
- Obligation de déposer un préavis de grève au moins 5 jours avant le début de la grève.
- Négociations obligatoires entre la direction et les syndicats pendant le délai de préavis.
- Possibilité d’imposer un service minimum pour assurer la continuité du service public.
Les particularités selon le versant de la fonction publique
- Fonction publique d’Etat : préavis déposé par un syndicat représentatif.
- Fonction publique territoriale : idem + obligation de négociations préalables avant le préavis de grève.
- Fonction publique hospitalière : possibilité d’assigner des personnels pour assurer le fonctionnement des services.
Certains secteurs comme l’éducation ou les transports publics peuvent même être soumis à un délai de préavis plus long, jusqu’à 2 semaines.
La définition juridique de la grève selon la Cour de cassation
Dans un arrêt du 31 mai 1996, la Cour de cassation a défini précisément la grève licite, celle qui ouvre droit à la protection contre les sanctions patronales. Pour être légale, une grève doit répondre aux 3 critères suivants :
- Cessation collective et concertée du travail : un seul salarié ne peut pas faire grève tout seul.
- Arrêt total du travail : ni ralentissement, ni grève « perlée », ni « grève du zèle ».
- But professionnel : seule la défense d’intérêts liés au travail ou aux conditions de travail est admise.
Toute grève qui ne remplit pas ces 3 critères s’expose à des sanctions disciplinaires de la part de l’employeur. Les salariés perdent alors la protection liée à l’exercice normal du droit de grève.
Quid du salaire pendant une grève ?
Dans le secteur privé
Lors d’une grève dans le privé, le contrat de travail est suspendu. L’employeur n’a donc pas à payer les salaires pour les heures non travaillées. Logiquement, chaque heure de grève se traduit par une retenue proportionnelle sur la paie.
Quelques exceptions existent cependant. L’employeur peut être condamné à verser les salaires de grève s’il est lui-même à l’origine du conflit par ses manquements (retards répétés de paiement des salaires, manquements graves à la sécurité…).
Comment éviter la retenue sur salaire ?
Certains salariés plaçant leurs jours de grève sur des RTT ou des congés payés évitent ainsi toute retenue sur leur paie. Ils ne sont alors plus considérés comme grévistes. Attention, cette technique expose à des sanctions si elle se systématise dans l’entreprise.
Dans la fonction publique
Pour les fonctionnaires, chaque jour de grève entraîne une retenue fixe, quelle que soit la durée réelle de la grève dans la journée :
- Fonction publique d’Etat : retenue d’1/30ème du salaire mensuel.
- Fonction publique territoriale et hospitalière : retenue d’1/60ème par demi-journée d’absence.
Cette règle vise à dissuader les agents publics de faire grève, leur salaire étant directement impacté. Elle est cependant critiquée pour son effet punitif par les syndicats.
Quels sont les secteurs les plus touchés par les grèves ?
Les transports
Les transports publics (SNCF, RATP, compagnies aériennes) sont les premiers impactés par les grèves, qui peuvent paralyser les déplacements des Français. Les revendications portent sur les salaires, le temps de travail, les conditions de sécurité…
La grève générale contre la réforme des retraites de décembre 2019 – janvier 2020, avec plus d’un mois de perturbations à la SNCF et la RATP, reste dans les mémoires.
L’éducation nationale
Enseignants et personnels des écoles, collèges et lycées sont eux aussi familiers des piquets de grève et des pancartes syndicales. Le volume des grévistes peut varier selon les académies, mais certaines sont réputées plus « chaudes » que d’autres.
On se souvient notamment des grèves massives de 2005 contre le CPE ou de celles liées aux réformes du baccalauréat.
Le secteur de l’énergie
Les personnels d’EDF ou des raffineries n’hésitent pas à recourir à la grève pour peser dans les négociations avec leur direction. Le blocage de centrales ou de raffineries crée alors des risques de coupures d’électricité ou de pénuries d’essence à la pompe.
C’est une arme redoutable pour obtenir satisfaction auprès du gouvernement sur les salaires ou les conditions de travail de la profession.
Quel est l’impact économique des grèves ?
Un manque à gagner direct pour les entreprises
Plus les grèves dans une entreprise sont longues et suivies, plus l’impact économique est important, avec :
- Baisse de la production et de l’activité
- Annulations de commandes, retards de livraison
- Perte de clientèle au profit de la concurrence
Certaines grèves coûtent des dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires aux entreprises les plus touchées.
Un effet indirect sur le reste de l’économie
Au delà des entreprises directement visées, les grèves ont aussi des répercussions indirectes sur le reste de l’économie :
- Baisse de la consommation des ménages
- Report ou annulation d’investissements
- Ralentissement de l’activité chez les fournisseurs et sous-traitants
L’addition peut se chiffrer en milliards d’euros pour les grèves massives qui durent plusieurs semaines.
Quid des grèves illégales ?
Les différentes formes de grèves illégales
Plusieurs cas de figure peuvent constituer une grève illégale :
- Grève surprise sans préavis (fonction publique)
- Grève perlée avec ralentissement volontaire du travail
- Grève tournante entre services
- Grève du zèle avec application extrême du règlement
Ces grèves sont considérées comme abusives par la justice car elles ne respectent pas l’arrêt de 1996 de la Cour de cassation sur la définition de la grève licite.
Quels risques pour les grévistes ?
En théorie, une grève illégale autorise l’employeur à appliquer des sanctions disciplinaires contre les grévistes :
- Avertissement
- Mise à pied
- Rétrogradation ou blocage d’évolution de carrière
- Licenciement pour faute
Dans les faits, ces sanctions restent rares car elles sont risquées juridiquement et socialement. Elles ne sont utilisées que pour les grévistes les plus activistes.
Conclusion
Malgré des règles parfois complexes à appréhender, le droit de grève reste un droit fondamental en France, aussi bien dans le secteur privé que public.
Même si toutes les grèves ne sont pas populaires auprès de l’opinion, elles sont un élément clé du dialogue social.
Grâce à leur pouvoir de nuisance, les salariés peuvent mettre à l’agenda leurs revendications et obliger directions d’entreprises et gouvernements à composer avec eux.
Avec ses forces et ses faiblesses, souvent critiqué mais toujours défendu, le droit de grève fait ainsi partie intégrante du « modèle social français ».