Les aides publiques sont un sujet complexe pour les entreprises, qui doivent naviguer entre les différentes réglementations européennes et nationales. Parmi ces aides, il existe une catégorie particulière appelée aides de minimis. Mais qu’est-ce qu’une aide de minimis exactement et comment savoir si une aide entre dans cette catégorie ? C’est ce que nous allons voir en détail dans cet article.
Qu’est-ce qu’une aide de minimis ?
Tout d’abord, rappelons qu’une aide d’État correspond à un financement octroyé par l’État destiné à une entreprise. Selon les règles de l’Union Européenne, ces aides ne doivent ni fausser, ni menacer de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
Les aides d’État doivent normalement être notifiées à la Commission Européenne, à l’exception des aides dites « de minimis ». Il s’agit des aides de faible montant accordées aux entreprises.
Selon le règlement européen n°1407/2013, ces aides de minimis sont exemptées de notification car elles sont considérées comme n’ayant pas d’impact significatif sur la concurrence et les échanges entre États membres, en raison de leur faible montant. En effet, le plafond est fixé à 200 000 € par entreprise sur une période de 3 exercices fiscaux (l’exercice en cours et les deux précédents).
Concrètement, cela signifie qu’une entreprise peut recevoir jusqu’à 200 000 € d’aides de minimis (tous financeurs publics confondus) sur 3 ans, sans que l’État ait à notifier ces aides à la Commission Européenne. Au-delà de ce seuil, les aides doivent suivre le régime normal de notification.
Le champ d’application des aides de minimis
Les aides de minimis peuvent concerner de nombreux domaines, comme par exemple :
- Les aides à l’investissement
- Les aides au fonctionnement
- Les aides à la formation et à l’emploi
- Les aides à la recherche et au développement
- Les aides à l’innovation
- Les aides à l’export (foires, salons…)
Certains secteurs font cependant l’objet de règles spécifiques concernant le seuil de minimis :
- Les entreprises du secteur du transport routier de marchandises pour compte d’autrui : le plafond est de 100 000 € sur 3 exercices fiscaux
- Les entreprises du secteur agricole : le plafond est de 20 000 € sur 3 exercices fiscaux
- Les entreprises du secteur de la pêche et de l’aquaculture : le plafond est de 30 000 € sur 3 exercices fiscaux
À noter que d’autres règlements de minimis spécifiques existent pour l’agriculture, la pêche et l’aquaculture, ainsi que pour les aides aux services d’intérêt économique général (SIEG).
Comment calculer le montant des aides de minimis
Pour déterminer si une aide entre dans le cadre des aides de minimis, il faut calculer le montant total des aides de minimis perçues par l’entreprise sur les 3 derniers exercices fiscaux (l’exercice en cours et les deux précédents). Toutes les aides de minimis doivent être prises en compte, quelle que soit leur forme (subvention, prêt, garantie, avantage fiscal, etc.) et leur objectif.
Voici quelques exemples pour illustrer le calcul :
- Une entreprise a reçu une subvention de 50 000 € en 2020 et un prêt à taux zéro de 80 000 € en 2021, au titre des aides de minimis. En 2023, elle pourra encore bénéficier d’aides de minimis à hauteur de 70 000 € maximum (200 000 – 50 000 – 80 000).
- Une entreprise agricole a perçu 10 000 € d’aide en 2022. En 2023 et 2024, elle pourra recevoir jusqu’à 10 000 € supplémentaires d’aides de minimis (20 000 – 10 000).
- Une entreprise de transport routier a bénéficié d’une aide de 60 000 € en 2021 et de 20 000 € en 2022. En 2023, le montant des nouvelles aides de minimis sera plafonné à 20 000 € (100 000 – 60 000 – 20 000).
Il est donc primordial pour l’entreprise de tenir une comptabilité précise de toutes les aides de minimis perçues, afin de s’assurer de respecter les seuils autorisés. En cas de dépassement, l’aide ne pourra pas être considérée comme une aide de minimis, même pour la part inférieure au plafond.
Les démarches pour bénéficier des aides de minimis
Pour demander une aide relevant du régime de minimis, l’entreprise doit fournir une attestation précisant le montant total des aides de minimis perçues au cours de l’exercice fiscal en cours et des deux précédents. Cette attestation, établie sur l’honneur, engage la responsabilité de l’entreprise.
Un modèle d’attestation est généralement fourni par l’organisme qui octroie l’aide. Il comporte les informations suivantes :
- Les coordonnées de l’entreprise (raison sociale, SIREN, adresse)
- La liste des aides de minimis déjà perçues sur les 3 derniers exercices fiscaux :
- Date d’attribution
- Organisme financeur
- Référence du dispositif d’aide
- Montant de l’aide en euros
- La signature du représentant légal de l’entreprise
L’entreprise doit donc être en mesure de retracer l’ensemble des aides de minimis perçues, y compris celles accordées par des collectivités locales ou d’autres organismes, pour pouvoir remplir cette attestation.
À noter que les services de l’État et certains organismes tiennent à jour un récapitulatif des aides de minimis attribuées, qui peut aider l’entreprise à compléter son attestation. C’est par exemple le cas de la DDT (Direction Départementale des Territoires) pour les exploitations agricoles. Mais ce récapitulatif n’est pas forcément exhaustif et ne remplace pas l’attestation sur l’honneur à fournir.
Le contrôle des aides de minimis
Les organismes qui attribuent des aides de minimis doivent mettre en place un système de contrôle pour s’assurer du respect des plafonds, sur la base des attestations fournies par les entreprises. Ils doivent conserver ces justificatifs pendant 10 ans.
La Commission Européenne peut également effectuer des contrôles auprès des États membres pour vérifier la bonne application du règlement de minimis. En cas d’anomalie constatée, l’entreprise peut être amenée à rembourser les aides indûment perçues.
Pour limiter ces risques, la Commission prévoit la mise en place d’un registre central des aides de minimis au niveau national (ou européen) à partir de janvier 2026. Ce registre permettra de centraliser les informations sur les aides octroyées et de détecter plus facilement les éventuels dépassements de seuils.
L’impact de la crise sanitaire sur les aides de minimis
Face aux difficultés rencontrées par les entreprises pendant la crise du Covid-19, la Commission Européenne a assoupli temporairement les règles relatives aux aides d’État, y compris le régime de minimis.
Ainsi, le plafond des aides de minimis a été relevé à titre exceptionnel à 500 000 € pour les années 2020 et 2021 par le règlement 2020/972 de la Commission du 2 juillet 2020. Cela a permis aux États de soutenir davantage les entreprises impactées par la crise, via des dispositifs comme le fonds de solidarité en France.
Cet assouplissement était limité dans le temps et le plafond est revenu à 200 000 € à partir de 2022. Mais il illustre la capacité de la réglementation européenne à s’adapter en cas de circonstances exceptionnelles.
Les évolutions à venir du régime de minimis
Le règlement de minimis actuel (n°1407/2013) est applicable jusqu’au 31 décembre 2023. Pour préparer l’après 2023, la Commission Européenne a lancé une évaluation du dispositif, afin de juger de sa pertinence et de son efficacité.
Plusieurs pistes d’évolution sont envisagées, comme par exemple :
- La révision du plafond de 200 000 €, jugé trop bas par certains États membres et organisations professionnelles, compte tenu de l’inflation
- La simplification des règles de calcul et de contrôle des aides
- Une meilleure articulation avec les autres régimes d’aides d’État
- La prise en compte des enjeux environnementaux et numériques
La Commission devrait présenter ses propositions pour le futur régime de minimis dans le courant de l’année 2023, sur la base des résultats de cette évaluation et d’une consultation publique des parties prenantes.
Edit du 13 décembre 2023 : la Commission européenne a adopté le nouveau règlement de minimis n°2023/2831. Il relève notamment le plafond à 300 000 € par entreprise sur 3 exercices fiscaux (100 000 € pour le transport routier de marchandises, 20 000 € pour l’agriculture et 30 000 € pour la pêche et l’aquaculture). Ce règlement entre en vigueur le 1er janvier 2024 pour une durée de 7 ans, jusqu’au 31 décembre 2030.
Conclusion
Les aides de minimis constituent donc un régime dérogatoire au sein des aides d’État, qui permet d’alléger les démarches pour les financements de faible montant. Mais pour en bénéficier, les entreprises doivent respecter des règles strictes et être en mesure de justifier les montants perçus.
La bonne compréhension de ces règles est essentielle, à la fois pour les entreprises qui sollicitent ces aides et pour les organismes publics qui les attribuent. Une attention particulière doit notamment être portée lors des demandes d’aides, pour vérifier l’éligibilité au regard des plafonds de minimis.
Avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement au 1er janvier 2024 et d’un plafond relevé à 300 000 €, les aides de minimis devraient continuer à jouer un rôle important pour soutenir les petits projets des entreprises, en complément des autres régimes d’aides publiques. Mais la vigilance reste de mise pour garantir une utilisation optimale et responsable de ces financements.